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Une rencontre du 3e type musicalement savoureuse!
ARGEL DE LA HAVANA AU CHAPITEAU DU HILTON
Publié dans L'Expression le 11 - 06 - 2016


Chaud devant!
«Le Congo Gnawa, ce n'est pas de la world music. C'est un nouveau diwane. J'aime quand ça fait bouger les corps. Les musiques quand elles sont collectives, ça crée un lien social...» a affirmé Amazigh Kateb.
«Le peuple a besoin de se voir ailleurs que dans un cocon, de se voir dans l'universalité. Dans notre travail de recherche, on a été chercher l'Algérie à La Havane. Nous avons une identité commune» dira d'emblée Amazigh Kateb lors du point de presse qui a précédé son chaud concert jeudi. Identité commune, qui, quoi et comment? Sur le plan politique, Alger et La Havane ont porté les mêmes idéaux, plus précisément à l'occasion du bloc des Non -Alignés et de la Tricontinentale: cette troisième voie des pays du tiers-monde désireux de retrouver leur souveraineté vis-à-vis des deux grandes puissances de l'époque. Aussi,musicalement, il y a un aspect très latin et méditerranéen dans le chaâbi qui fait écho ou résonne fortement dans la musique santéria cubaine qui est beaucoup plus africaine et n'a rien à voir avec la salsa ou la rumba, fera savoir Amazigh. Aussi, faire rencontrer la santéria avec la musique gnawie se voulait être cette troisième voie possible d'une ouverture vers l'Autre. En se sentant comme cela bien chez l'Autre. D'où ce style musical baptisé par Amazigh Kango Gnawa. Ce dernier est né d'une rencontre en juin 2015, entre deux musiciens d'univers différents. Le premier est un babalao (maître tambour batà) cubain, pratiquant la santéria donc et le bembé (cérémonies synchrétiques afro-cubaines sacrées remontant aux premiers temps de l'esclavage sur l'île). Il s'agit de Javier Campos Martinez. Le second vous le connaissez est le déjanté chanteur du groupe Gnawa Diffusion, qui depuis plus de 20 ans, travaille autour de la musique gnawa entre autres. Ce projet qui se veut établir d'abord un rapport «Sud/Sud» entre deux cultures similaires, est né de la connexion entre ces deux musiciens qui se sont vite retrouvé de «nombreux points communs entre leurs deux familles musicales, notamment sur le plan rythmique, structurel, mais aussi thématique, mystique, historique, et identitaire». C'est ainsi comme cela que le projet nous a été présenté mais aussi et surtout comme nous l'entendions en effet, jeudi dernier au chapiteau du Hilton, lors de la première soirée Well Sound où Amazigh Kateb accompagné de ses musiciens habituels et d'autres cubains ont fait dérouler ce «dessein musical» sous nos yeux et nos oreilles remplies qu'elles étaient effectivement de sonorités qui s'épousaient et s'épanouissaient à la perfection, rehaussées qu'elles étaient par un chant algéro-cubain des plus aériens étrenné par Amazigh. Ce dernier célébra dans un des morceaux le combat contre le colonialisme de ses deux terres les assimilant à un rythme sonore, mais aussi physique et spirituel et ce, le tout fendu d'une empreinte mélodique propre aux deux traditions. Amazigh s' évertua pour ce faire, à réécrire certaines pièces musicales cubaines en langue arabe et les réinterprétera avec l'apport d'instruments aux tonalités maghrébines. On notera le «gumbri, le aoud, le mondole, la derbouka, les karkabous ou encore les bendirs» présents sur scène qui s'accordaient harmonieusement avec les chants congos, tandis que les tambours batà venaient appuyer la rythmique sur des chants maghrébins.Loin de constituer une fusion comme l'a si bien expliqué Amazigh Kateb, lors du point de presse, cette musique qui parle au corps et à l'esprit comme dans la musique gnawie coulait de source. Une troisième langue était née, comprise derechef par le public qui se l'a appropriée entièrement jusqu'à la transe. Si la première partie du concert fut econsacré au jeu de piste de Nadjib Ben Bella alias DJ Boulaone, ceci n'était nullement fortuit. La présence de cet artiste, se justifiait hormis du fait qu'il a bossé avec Gnawa Diffusion sur l'album «Marchez noir» et dont Amazigh jouera quelques morceaux. Non, mieux que ça! Dj Boulaone vient de sortir en fait un album qui s'appelle «Afrique 3D», un opus de musique expérimentale qui donne la part belle à l'oralité africaine ancestrale, issue des cultures «swahilie, lingala, yoruba et wolof» notamment le tout distillé dans un son électro purement moderne. La boucle était bouclée! Doucement mais sûrement alors, Amazigh Kateb nous fera voyager en nous entraînant vers notre nouvelle terre, La Havane, non sans dire tout d'abord bonjour à son pays, où il va retrouver chaque fois qu'il peut ses vieux copains, dans la ville de son père, Sidi Bel Abbès («Bonjour ma vie», texte écrit d'ailleurs par Kateb Yacine). De cet album il interprétera quelques chansons dont «Mossiba et Coma» avant de finir la soirée avec «I wanna tcheefly», comme demandé avec insistance par le public. Il fera aussi coucou au film «El Wahrani», en interprétant l'émouvant «hlel leila», et d'autres morceaux des plus endiablés avant de passer aux choses autrement plus sérieuses, mais néanmoins galvanisantes avec ses congénères cubains et faire tremper nos vêtements entre sueur et voltige spatio-temporelles. Une rencontre du 3e type musicalement délicieuse. Si d'aucuns partaient avant la fin du concert, pour ne pas louper le shour, nous autres les plus téméraires demeuraient là sous le chapiteau afin de savourer les dernières mélopées algéro-cubaines de cette formation. Des complaintes qui résonnent comme des appels à la fois à la prière et à la solidarité, dans un monde d'aujourd'hui complètement déshumanisé. Amazigh Kateb a promis de chanter plus de trois heures et il a tenu sa promesse. C'est la première fois en tout cas que l'on allume les lumières au sein du chapiteau comme signe de fin de concert, alors que l'artiste est encore sur scène. Les techniciens, faut-il croire étaient vraiment fatigués et la majeure partie du public s'était «taillé». Mais Amazigh debout avec son «gumbri» était là sans défaillir. Chapeau bas donc l'artiste. Seul bémol, l'absence de la chanteuse cubaine et le grand regret parmi les fans. «Le Congo gnawa, ce n'est pas de la world music, je ne l'appellerai pas ainsi. C'est un nouveau diwane. J'aime quand ça fait bouger les corps.... Les musiques quand elles sont collectives, ça crée un lien social.
C'est pourquoi j'ai hâte d'enregistrer un album en 2017, ce sera un live bien sûr...»


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