«Notre système de subvention est trop généreux. Il ne profite pas aux nécessiteux» Les subventions, économiquement irrationnelles, coûtent plus de 27 milliards de dollars à l'Etat et la baisse drastique des ressources pétrolières fait qu'il est impossible de les assumer dans les semaines et mois à venir. La réforme du système des subventions, réclamée par certains et récusée par d'autres, reste pourtant une nécessité, compte tenu des sommes faramineuses allouées par l'Etat dans ce cadre et qui n'apportent aucune plus-value, de quelle espèce que ce soit, au pays. En effet, en plus du fait que les subventions entraînent des gaspillages tous azimuts, faussent l'allocation des ressources, elles découragent l'investissement et stimulent les importations, puisque la majorité des produits subventionnés sont importés, à savoir le lait, la semoule, l'huile, l'essence, le gasoil, le sucre, etc. Pis encore, les subventions alimentent la contrebande aux frontières, notamment des carburants, et font perdre à l'Algérie, selon Ahmed Ouyahia, plus de 2 milliards de dollars par an. Néanmoins, malgré cet état de fait déplorable, le gouvernement, tout en reconnaissant le caractère intenable de la situation, reste otage d'un populisme d'Etat dont l'unique objectif, piètre au demeurant, est «le maintien de la paix sociale». En 2011, dans le sillage du printemps arabe, le ministre du Commerce, d'alors Mustapha Benbada, avait vivement insisté sur la réforme du système des subventions dans le sens d'un meilleur ciblage. «Notre système de subvention est trop généreux. Il profite à tout le monde. Il ne profite pas aux nécessiteux. L'aide de l'Etat doit aller à ceux qui la méritent, alors qu'aujourd'hui tout le monde peut acheter un sachet de lait à 25 dinars», a-t-il expliqué, en précisant que «l'Etat algérien pourrait ne pas avoir les moyens prochainement pour subventionner les produits de première nécessité». Ahmed Ouyahia aussi a plaidé pour la suppression des subventions généralisées. Depuis, bien de l'eau a coulé sous les ponts sans qu'une quelconque décision soit prise dans ce sens, excepté une augmentation de l'ordre de 34% des prix de certains carburants. A présent, au vu des tensions budgétaires induites par la chute des prix du pétrole redoublant de plus en plus de férocité, la question se pose avec acuité. En plus du FCE, qui bat sans cesse les pavés de la République pour exiger une réforme du système des subventions qu'il juge, tout comme Benbada et Ouyahia, «trop généreux», il y a le Fonds monétaire international qui ne rate aucune occasion de recommander. En effet, dans une tribune publiée le 31 août sur le site du FMI, Andrew Jewell, économiste principal au département Moyen-Orient et Asie centrale, a recommandé à l'Algérie de supprimer par étapes l'essentiel de ses subventions généralisées et de les remplacer par un programme de transferts ciblés en direction des ménages à faible revenu. «Des transferts monétaires ciblés se révéleraient plus efficaces pour protéger les pauvres et moins onéreux que les subventions. L'Etat pourrait ainsi consacrer davantage de dépenses aux infrastructures, à l'éducation et à la santé par exemple, ce qui pourrait stimuler la croissance et l'emploi», a-t-il indiqué en précisant que «la suppression des subventions devrait aller de pair avec la mise en place de mesures de compensation destinées à protéger les pauvres». Pour précision, les subventions ont coûté aux pouvoirs publics environ 14% du PIB en 2015, soit 25.84 milliards US, puisque le PIB de 2015 était de 172,3 milliards de dollars. Si on ajoutait à ce chiffre les 2 milliards de dollars que grignote la contre-bande annuellement, on obtient 27,84 milliards US. Ces chiffres sont néanmoins insupportables pour le budget de l'Etat qui s'amenuise sans cesse sous l'effet de l'affaissement des prix des hydrocarbures et qui met l'Etat sous une terrible pression. Le gouvernement, qui réitère depuis au moins deux ans, sa volonté de rationaliser la dépense publique, va-t-il fléchir sous la nécessité de supprimer les subventions anarchiques progressivement et de mettre en place une politique d'aide ciblée au profit des couches vulnérables et seulement de celles-ci? Le consensus sur la question est quasi parfait. Il manque la volonté politique d'agir.