Elles sont jeunes et belles. Aguichantes et très désirables. Notre regard envers elles est souvent cruel. Mais quand on prend la peine de les approcher et de discuter avec elles, on se rend compte à quel point est grande leur souffrance. (Lire nos articles du jour en Société) Lorsque Alger dort, elle ne le fait que d'un seul oeil. Son regard traîne alors sur toute cette faune qui s'approprie la ville après le crépuscule. Entre les enfants abandonnés, les familles sans logis, les mendiants et les laissés-pour-compte, existe une caste de créatures de nuit dont le fardeau s'appelle prostitution. Hommes et femmes de tous âges, flirtant avec la nuit et le désespoir et voguant dans la tiédeur d'Alger by night. Fusibles, courts-circuits d'un sort sadique, ces humains déchus affrontent la honte et les dangers avec un fatalisme d'acier. Les cas s'évertuent à se diversifier et les mobiles qui ont poussé à cette descente aux enfers sont légions. L'inceste, la fuite devant les affres du terrorisme, l'éclatement de la cellule familiale, etc. En un mot, la déchéance humaine dans ce qu'elle a de plus hideux, de plus affreux. Loin de tout moralisme, de tout pathétisme, nous avons tenté d'aller à la rencontre de ces femmes qui s'offrent pour une poignée de billets de banque. Ici, point de place pour les jugements de valeur ou les apitoiements. La nuit d'Alger a consenti qu'on l'éclaire le temps d'une enquête. Le temps de découvrir la douleur insoupçonnable de ces belles de nuit d'Alger.