La carte politique de l'Etat hébreu n'est pas aussi monolithique qu'on veut nous la montrer. Au sein même du gouvernement Sharon, le ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, probable président du Parti travailliste, produit un discours aux antipodes de la politique d'Israël. Dans une interview accordée au Nouvel Obs. du 8 au 14 novembre, il dévoile l'intention du gouvernement Sharon «d'expulser Arafat vers la Jordanie et de détruire l'Autorité palestinienne». Cette tactique, élaborée par Sharon, tend à créer un face-à-face Hamas-Jihad islamique d'un côté et Israël de l'autre. Un huis clos tragique qui opposerait des fidayine (kamikazes musulmans) à la machine de guerre d'Israël, qui aurait alors les coudées franches pour un génocide programmé. «Certains (ministres de Sharon, ndlr) estiment qu'il vaut mieux avoir affaire à Hamas qu'à Arafat. Je leur laisse la responsabilité de ce qui serait une erreur dramatique», affirme Peres. Peres vient de proposer un plan de paix prévoyant la création d'un Etat palestinien dont les contours seraient les frontières d'avant-juin 67, le démantèlement des colonies à Ghaza et en Cisjordanie. Devant le scepticisme des observateurs quant à l'adhésion de Sharon à ce plan, Peres estime que «rien n'est exclu. Begin a bien rendu la totalité du Sinaï à l'Egypte, et c'est ce même Sharon qui avait alors procédé au démantèlement des colonies». Mais devant l'entêtement de Sharon, Peres confiait, hier, à des journalistes que «si Sharon s'entête encore dans une démarche suicidaire à force d'être belliqueuse, je serai forcé de démissionner...», faisant ainsi tomber le gouvernement Sharon. Il reste que Sharon, en déplorant qu' «Israël n'a pas de partenaire en Palestine, fait l'impasse sur ce que le ministre français des Affaires étrangères, M.Hubert Védrine, dénonçait mardi comme une cabale israélienne pour miner l'autorité de Arafat sur les territoires, et lui reprocher ensuite de ne rien pouvoir faire». Par ailleurs, Yossi Beilin, ancien négociateur des accords d'Oslo, estime : «Tant que Sharon sera au pouvoir, on ne fera que reculer les possibilités de paix». D'après lui, «les travaillistes devraient quitter le gouvernement et préparer la reprise des négociations avec les Palestiniens pour la mise en oeuvre du plan Clinton, accepté en décembre 2000 par les deux parties». Yossi Beilin pense que le choix est entre les islamistes et Arafat, seul à même de réaliser la paix. «Alors, nous devrions renforcer son autorité au lieu de l'affaiblir, comme le fait actuellement Sharon.» Une colombe fera-t-elle la paix, au milieu de tant de faucons, de tant de vautours?