La Cour suprême britannique dira demain si le gouvernement peut déclencher les négociations de sortie de l'UE sans vote préalable du Parlement, décidant de placer ou non un obstacle sur le chemin du Brexit «dur» voulu par Theresa May. Selon les observateurs, les onze juges devraient confirmer la décision de la Haute Cour de Londres selon laquelle le déclenchement de l'article 50 du Traité de Lisbonne - qui lancera deux années au moins de négociations avec Bruxelles - requiert l'aval des députés. Theresa May a promis de lancer le processus de divorce avant fin mars et, anticipant une décision défavorable des sages de la Cour suprême, son gouvernement se tient prêt à lancer les débats au Parlement le plus rapidement possible. Si la Première ministre ne dispose que d'une étroite majorité à la chambre des Communes, l'article 50 devrait être voté sans difficulté, le Labour, principal parti d'opposition, ayant promis de ne pas le bloquer. Les députés, qui avaient fait campagne en majorité contre le Brexit, admettent désormais qu'une sortie de l'UE est inéluctable. Sans faire obstacle au Brexit, la décision de la Cour suprême pourrait toutefois chambouler le calendrier du gouvernement conservateur, si les sages décidaient que les gouvernements écossais, gallois et nord-irlandais doivent eux aussi être consultés. La décision de la Haute Cour, début novembre, avait provoqué la fureur des pro-Brexit, qui y ont vu une tentative de revenir sur le résultat du référendum du 23 juin ayant voté le Brexit. Tout comme Theresa May, ils arguaient que la mise en oeuvre de la sortie de l'UE est une prérogative de l'exécutif ne requérant en rien l'approbation du Parlement. «Les choses seraient bien plus simples si la Première ministre pouvait, comme bon lui semble, user de cette prérogative. Le problème est qu'aucun juge n'a autorisé cela depuis le 17e siècle», souligne Jo Murkens, professeur de droit à la London School of Economics (LSE). Si le vote des députés semble acquis, Theresa May pourrait toutefois s'être aliéné le soutien d'une mince frange des élus travaillistes en annonçant mardi dernier la sortie du pays du marché unique. Et le Parti national écossais (SNP), fort de 54 députés sur les 650 que compte la chambre des Communes, s'oppose lui aussi fermement au Brexit. Pour autant, pointe Tim Bale, professeur de sciences politiques à l'université Queen Mary de Londres, l'opposition à Theresa May au sein du parti conservateur a, elle, quasiment disparu. «Son principal problème n'est pas à la chambre des communes», juge-t-il. «Ce sont les 27 dirigeants (européens, ndlr) avec qui elle devra négocier» après l'activation de l'article 50, souligne-t-il. Comme pour rassurer les députés, la Première ministre a promis cette semaine qu'elle leur soumettrait le résultat final des négociations avec Bruxelles. Un rejet des députés pourrait précipiter la tenue d'élections législatives. «Si le Parlement rejette (le résultat des négociations), alors nous serons dans un no man's land», prédit Jo Murkens. Les ministres se refusent jusqu'ici à spéculer sur une telle éventualité. «Le vote (du Parlement) ne changera rien», a simplement déclaré le ministre du Brexit David Davis.