Après l'indépendance, Danièle Minne opte pour la nationalité algérienne et devient Djamila Amrane Il y avait beaucoup de monde hier au cimetière Sidi Mohand Amokrane à Béjaïa, pour un dernier adieu à celle qui fut l'épouse du Dr feu Khellil Amrane, un médecin de la révolution dans la wilaya III historique. Le CHU de Béjaïa porte son nom. Ses derniers voeux ont été exhaussés par ses enfants. Elle voulait de son vivant reposer en paix, après sa mort, dans un cimetière musulman à Béjaïa. Une moudjahida de la première heure, qui n'avait pas hésité à se joindre à la révolution épousée par son époux pour combattre l'armée d'occupation. Une armée avilissante et violente, qui ne reconnaissait aucun sens humain aux Algériens. «C'est pour nous un honneur d'accueillir la moudjahida Djamila Amrane-Minne pour un repos éternel parmi ceux et celles avec qui elle a défendu la cause juste, celle des opprimés, celle des Algériens en quête d'une indépendance chèrement acquise», disait hier le maire de la ville de Béjaïa, Abdelhamid Merouani. Beaucoup de moudjahidine étaient là pour reconnaître le combat d'une femme, qui restera gravé à jamais dans l'histoire de l'Algérie. Si Ali, se souvient d'elle et de son exploit à Alger «en janvier 1957, Danièle, qui n'avait que 17 ans, participe à un triple attentat du FLN dans trois brasseries de la rue Didouche-Mourad, ex-rue Michelet située dans le quartier européen. Elle pose sa bombe, au péril de sa vie, dans le bar Otomatic à Alger», raconte-t-il, précisant que «la même action était faite par d'autres camarades au Coq Hardi et à La cafétéria». Djamila Amrane-Minne avait posé sa bombe dans le bar Otomatic à Alger, tandis que ses «complices» déposent d'autres engins explosifs au Coq Hardi et à La Cafeteria. Danièle Minne, son nom de jeune fille, est une Algérienne d'origine française. Elle est née le 13 août 1939 à Neuilly-sur-Seine. L'ancienne moudjahida Danièle Djamila Amrane-Minne est décédée avant-hier, samedi, à l'âge de 78 ans. Danièle Djamila Amrane-Minne était une fervente militante de la cause nationale. Elle avait rejoint les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN) en 1956 jusqu'à 1962. Ses parents, Jacqueline Netter et Pierre Minne, professeur de philosophie, sont arrivés en Algérie en 1948. En 1950, sa mère se remarie avec Abdelkader Guerroudj, militant du Parti communiste algérien (PCA); institutrice à Négrier (Chetouane) puis à Aïn Fezza, près de Tlemcen, elle adhère au PCA. En avril 1955, Jacqueline et Abdelkader Guerroudj sont expulsés pour leurs activités. Après avoir passé quelques mois en France, ils rentrent à Alger et participent à partir de janvier 1956 à l'organisation des Combattants de la libération et au Réseau bombes de Yacef Saâdi. Ils sont tous les deux condamnés à mort comme complices de Fernand Iveton, seul Européen guillotiné durant la guerre d'Algérie, mais seront graciés, avec Djamila Bouazza et Djamila Bouhired, le 8 mars 1962. Danièle Minne participe en 1956 à la grève des étudiants et rejoint la rébellion des nationalistes algériens sous le nom de Djamila. Membre du «réseau bombes» du FLN durant la bataille d'Alger, elle fait partie du groupe de jeunes femmes poseuses de bombes dans les lieux publics d'Alger, en particulier les cafés fréquentés par les colons. Après l'indépendance, Danièle Minne opte pour la nationalité algérienne et devient Djamila Amrane lors de son mariage en 1964. Elle travaille à l'université d'Alger puis devient en 1999 professeur d'histoire et d'études féminines à l'université de Toulouse. La défunte était également auteure de plusieurs ouvrages littéraires ainsi que des poèmes. Parmi ses publications, on citera «Les femmes algériennes et la Guerre de libération nationale» (1989). Danièle Minne, alors tout enfant, était marquée par les événements du 8 Mai 1945, jour de gloire contre le nazisme en Europe. Des événements réprimés dans le sang par l'armée coloniale en Algérie, avec au bout, plus de 45.000 morts, qui ne souhaitaient que de vivre une Algérie indépendante pourtant promise en cas de victoire sur le nazisme. Comme toute une génération, la conviction que l'indépendance ne pourra qu'être arrachée, par la violence s'il le faut, influera sur la défunte Danièle Minne qui ne tardera pas à rejoindre ce juste combat pour l'indépendance et la liberté. La forte présence à son enterrement à Béjaïa n'est qu'une marque de reconnaissance à cette grande dame, restée au côté du peuple algérien dans sa quête pour l'indépendance. Le premier magistrat de la wilaya, le directeur des moudjahidine, l'ensemble de la famille révolutionnaire, des citoyens anonymes ont tenu à saluer pour la dernière fois cette moudjahida restée dans l'ombre malgré son rôle déterminant dans la lutte armée pour la libération du pays. Son courage et sa fidélité pour les causes justes ont fait d'elle un personnage que l'histoire ne peut nier. Tout le monde s'accordait à dire que l'Algérie perd l'une des femmes les plus actives et les plus engagées pour une Algérie libre et indépendante.