Comment mener une campagne présidentielle quand les rebondissements liés aux démêlés judiciaires de François Fillon vampirisent le débat? En France, les concurrents de ce candidat de la droite s'en agacent ouvertement à l'approche du premier tour du scrutin. «Ç a phagocyte tout l'espace, il y a de l'exaspération pour ne pas dire plus», tempête Jérôme Guedj, porte-parole du candidat socialiste Benoît Hamon. «Cette campagne est aujourd'hui volée», s'indignait déjà la semaine dernière le centriste Emmanuel Macron. Même écho chez la candidate d'extrême droite Marine Le Pen s'élevant samedi contre ces «déboires qui monopolisent une bonne partie de l'attention médiatique et empêchent la campagne de se dérouler». Bien au-delà de l'intérêt habituel suscité par toute campagne électorale, les Français se passionnent depuis des semaines pour l'affaire Fillon qui a vu le candidat donné favori en début de campagne s'effondrer dans les sondages, au profit de Marine Le Pen et d'Emmanuel Macron. L'histoire est suivie comme un feuilleton. Dimanche, Le Journal du Dimanche (JDD) a encore gonflé ses chiffres avec des confidences exclusives de Penelope Fillon et une lettre de démission du directeur de campagne du candidat. Le soir, une interview de François Fillon apporte à la télévision publique France 2 sa meilleure audience de la saison avec 7,8 millions de téléspectateurs. «Chaque jour (il y a) un buzz'' autour d'éléments qui n'apportent pas à proprement parler des réponses à ce qu'attendent les Français. Je crains qu'à la fin, le gagnant soit élu par défaut et qu'il n'y ait pas eu de possibilités d'exposer très clairement son projet», s'alarme Jean-Christophe Cambadélis, patron du Parti socialiste. «On regrette que tout ce bruit fasse obstacle à la clarté du débat», abonde Alexis Corbière, porte-parole du candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon. Et à moins de 50 jours du premier tour le 23 avril, «l'horloge tourne» pour pouvoir débattre «projet contre projet». La frustration est évidente à gauche où Benoît Hamon peine à faire décoller sa campagne. Lui qui avait bâti son succès dans la primaire de la gauche en imposant des thématiques originales comme le revenu universel, a du mal à être audible. Et donc à combler son retard sur Marine Le Pen, Emmanuel Macron ou François Fillon. «C'est difficile de ne pas être embarqué dans le commentaire de l'affaire et en même temps, cela crame du temps de parole pour Benoît Hamon», relève son porte-parole. Dans ce contexte, comment reprendre la main? «Quand le vent souffle comme cela, on n'y peut rien», soupire un conseiller du candidat socialiste. Dans cette longue séquence, Emmanuel Macron a été «plutôt servi», analyse pour sa part un des conseillers du fondateur du mouvement «En Marche!». Le ralliement de poids du vétéran centriste François Bayrou lui a offert un peu d'exposition et la présentation de son programme économique dans le quotidien Les Echos le 24 février ont fait exploser les ventes en kiosques de ce journal prisé du monde des affaires. «L'affaire Fillon rend la campagne binaire, Macron d'un côté, les autres candidats de l'autre», se félicite le même conseiller de l'ancien banquier. A la différence de François Fillon, Marine Le Pen, également éclaboussée par des soupçons d'emplois fictifs (au Parlement européen), ne voit pas sa popularité affectée. Imperturbable, elle continue de sillonner le pays et est toujours donnée en tête par les sondeurs au premier tour de la présidentielle. Le second tour du scrutin est prévu le 7 mai.