Bagdad replonge dans la violence alors que les négociations pour la formation du gouvernement piétinent. En Irak, la situation n'a pas beaucoup évolué, ponctuée par la recrudescence de la violence ces trois derniers jours faisant, entre lundi et hier, une vingtaine de morts et une cinquantaine de blessés. Dans le même temps, le Premier ministre désigné, Ibrahim Jaâfri, peine à former son gouvernement du fait essentiellement de l'intransigeance, ou la gourmandise, du Premier ministre sortant Iyad Allaoui. Au plan sécuritaire, Bagdad a été ébranlée hier par trois attentats à la voiture piégée ciblant, encore une fois, les civils. Selon un premier bilan, il y a eu au moins deux morts et treize blessés dans ces attentats, qui suivent deux autres attentats, commis dans la capitale irakienne, la veille. Ces attentats, devenus rituels, marquent la gravité de la situation sécuritaire, les actions de la résistance et de la guérilla loin de faiblir semblent avoir plutôt redoublé. Et encore une fois, les centres de recrutement de l'armée et de la police sont les cibles privilégiées de la guérilla. Ainsi, mardi, un attentat contre l'un des centres de l'armée s'est soldé par six morts et 44 blessés, de jeunes Irakiens candidats à un recrutement dans les forces de sécurité. Ce même jour, un deuxième attentat est survenu en soirée contre une patrouille américaine, tuant deux GI's, blessant au moins sept civils irakiens. L'attentat contre le centre de recrutement a été revendiqué hier, par un communiqué sur un site Internet, par le groupe d'Abou Moussab Al Zarqaoui, le chef du réseau terroriste Al Qaïda en Irak. Alors que la situation sécuritaire n'en finit pas de se dégrader, les agissements des GI's américains, commencent à indisposer les Irakiens, y compris des députés, qui ont dénoncé hier les brutalités contre les élus et le mépris des soldats américains envers les institutions irakiennes. L'instabilité sécuritaire n'a pas, toutefois, encouragé les partis politiques irakiens au réalisme et la pondération dans la recherche de la formation rapide d'un gouvernement et mettre un terme à l'état de vacance du pouvoir actuel. Selon une négociatrice pour la liste chiite, majoritaire au Parlement avec 146 sièges sur 275, la députée Myriam Al-Rayes, les pourparlers butent essentiellement sur les demandes, jugées déraisonnables, du Premier ministre sortant, et ancien collaborateur de la CIA, Iyad Allaoui, dont les prétentions ministérielles font obstacle à la formation du gouvernement. Selon elle, le parti de M.Allaoui, «demande 4 ministères dont un grand poste» comme celui de l'Intérieur. «Mais on tente de le convaincre qu'il ne peut pas y prétendre», rappelant que «le ministère de l'Intérieur doit revenir à l'AUI et celui de la Défense à un sunnite». Le ministère des Affaires étrangères devrait rester aux mains du ministre sortant, le Kurde Hoshyar Zebari. Ces attributions ont été négociées entre l'AUI et la liste kurde. La formation du cabinet Jaâfri se heurte également à la composante sunnite qui ne peut compter que sur 16 députés au Parlement, du fait du boycott massif des sunnites des élections générales du 30 janvier dernier. Selon toujours Mme Al-Rayes, sur les 32 postes du gouvernement, l'AUI doit en recevoir 17 et la liste kurde 9. «Si nous nous entendons avec M. Allaoui, les chiites et les Kurdes s'entendront pour leur céder quatre postes», sur leurs propres quotas, a-t-elle précisé. Toutefois, le retard mis à la formation du gouvernement crée au sein de la classe politique irakienne une sorte de malaise, d'autant plus que cet attentisme pèse négativement sur la situation sécuritaire du pays. Cependant, selon des déclarations faites hier par le ministre des Affaires étrangères sortant, Hoshyar Zebari, qui négocie au nom de la liste kurde, il y aurait eu une avancée donnant à espérer la formation du gouvernement dans le courant de la semaine, indiquant: «On est à deux doigts de la formation d'un gouvernement. L'attribution des postes ministériels aux représentants des listes chiite et kurde est presque achevée et on discute actuellement avec la liste d'Iyad Allaoui et avec des Arabes sunnites», ajoutant «Je m'attends à ce que le gouvernement soit formé très prochainement». Cependant, à voir le pessimisme ambiant, l'optimisme de M.Zebari ne semble pas justifié. En effet, quinze jour après la désignation de M.Jaafri au Premier ministère, près de trois mois après le élections du 30 janvier, les tractations entre les diverses forces politiques irakiennes, traînent en longueur paralysant de fait, une reprise en main des affaires par un gouvernement légal.