Fortes de l'appui de 123 Etats, les Nations unies ont ouvert, ce lundi, des négociations sur un traité [contraignant] interdisant les armes nucléaires. L'ONU est convaincue que ce traité permettra au monde de vivre plus en sécurité et de mieux contrôler la prolifération nucléaire et diminuer les risques d'un embrasement atomique. Cet avis n'est pas, alors pas du tout, partagé par les détenteurs des armes de destruction massive (ADM). De fait, sur les huit nations, officiellement (ou officieusement) détentrices de ces ADM, cinq pays, Etats-Unis, France, Israël, Royaume-Uni et Russie, ont voté contre, la Chine, l'Inde et le Pakistan se sont, eux, abstenus. Selon l'ONU, une quarantaine d'autres Etats sont au seuil du nucléaire et susceptibles de fabriquer une bombe atomique. C'est dire le danger menaçant dès lors qu'une minorité d'Etats, détenant l'arme ultime, tient le monde en otage et s'arroge le droit d'interdire à des pays tiers d'accéder au savoir-faire technique en rapport avec le nucléaire. Les cas de l'Iran et actuellement de la Corée du Nord sont édifiants. Or, ces puissances militaires qui mènent une course effrénée vers le renouvellement et la modernisation constantes de leurs arsenaux nucléaires, s'opposent à la maîtrise par d'autres pays de cette technologie, même si c'est pour des besoins exclusivement civils. Ces dernières années, l'ONU avait initié plusieurs protocoles pour débarrasser le monde des armes dangereuses en excluant leur usage, telles que les armes à sous-munitions (convention de 2008), celui contre les mines antipersonnel (traité de 1997) ou sur les armes chimiques (Convention sur l'interdiction des armes chimiques [Ciac] de 1997) qui, sans rendre le monde plus sûr, n'en ont pas moins permis de mettre à l'index les pays qui n'y ont pas adhéré. Et, comme par hasard, les Etats-Unis [ils ont paraphé la Ciac] et Israël se trouvent en tête de ces pays qui n'ont pas encore paraphé les traités sus-cités. Or, ce sont les Etats-Unis qui incitent les pays tiers à appliquer les traités sur les ADM quelle que soit leur nature. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais, vieille antienne. Pour ce qui est du nucléaire, notons que l'ONU dispose de deux traités: le TNP [Traité de non-prolifération nucléaire] et le Ctbt [Interdiction totale des essais nucléaires] qui auraient dû rendre plus prégnant le contrôle à la source des tentatives de passer outre aux balises instaurées. Si peu de pays pouvaient enfreindre le Ctbt, pour des raisons évidentes [la Corée du Nord, qui n'est pas signataire du Ctbt, a procédé l'année dernière à deux essais nucléaires] il n'en est pas de même pour le TNP violé de toutes les manières par de nombreux pays. Les premiers qui ont porté atteinte au TNP ne sont autres que les détenteurs de cette technologie qui en ont fait profiter amis et alliés. Il est donc patent qu'un traité ne résout pas tous les problèmes, dès lors que l'agence onusienne (Agence internationale de l'énergie atomique) chargée de ce contrôle n'a ni le pouvoir ni les moyens de l'expertise de pays qui échappent de fait à ses tests. Les puissances officiellement déclarées (elles sont sept) en sus d'Israël [qui maintient l'ambiguïté sur ses capacités nucléaires, mais interdit à l'Aiea de le contrôler] se placent de facto au-dessus des lois communes au reste des nations, tenues de se conformer à ces traités. Ce sont ces pays qui s'opposent à un vrai encadrement du nucléaire afin qu'il soit accessible pour tous et aussi moins périlleux, car tenu sous bonne garde. Sous prétexte d'équilibre des forces et de «préservation» de la dissuasion, ces pays estiment que le moment n'est pas adéquat pour de telles négociations. Or, ce sont ces pays qui, présentement, constituent le péril le plus flagrant pour la paix dans le monde. En maintes occasions, les Etats-Unis - et leur protégé Israël - ont brandi la menace de l'usage de la force, y compris atomique. Ce qu'a agité récemment le ministre états-unien de la Défense, James Mattis, menaçant la Corée du Nord de représailles, y compris l'usage de l'arme atomique, suite aux tirs de missiles balistiques par Pyongyang. Israël a brandi cette menace atomique à la face de l'Iran. De fait, on s'étonne que l'Aiea ne juge pas pertinent de faire une expertise du nucléaire israélien. L'Aiea qui a pouvoir de contrôle sur tout pays suspect d'entretenir un programme nucléaire à caractère militaire, ne s'intéresse pas au cas d'Israël. De ce point de vue, il faut craindre que l'initiative de l'ONU vers un traité contraignant sur le nucléaire, ne soit mort-née ou, du moins, ne s'applique qu'à des pays sans «grade» dès lors qu'Israël ne serait pas concerné par des traités qui, en principe, s'imposent à tous. Nous y croirons lorsque l'Aiea contrôlera le nucléaire israélien comme elle le fait pour le nucléaire iranien.