Chaque détenu sort un truc devant le juge juste pour abréger ce calvaire qu'est l'interrogatoire... mais... Beaucoup de lecteurs ont peine à croire que nos chroniques judiciaires soient réelles. Et pourtant, elles le sont. Tout ce que nous griffonnons à longueur d'années sont de vrais procès tenus partout à travers le pays. Même si certaines histoires paraissent des contes de... faits et de fées... ce qui pousse les magistrats à être partisans d'une attention soutenue du fait que chaque partie veut faire avaler des couleuvres aux juges généralement vigilants. Les affaires relatives à l'attentat à la pudeur, au détournement de mineur, au vol se multiplient. Les magistrats, débordés, entendent des vertes et des pas mûres. Les avocats sont obligés de piocher dans la jurisprudence : à défaut, seul le mariage du prévenu avec sa victime peut sauver les meubles. Me Boulefrad, son expérience en bandoulière, est entré dans la salle d'audiences en compagnie du diablotin de Me Ouali Laceb qui avait plus d'un tour dans son sac, y compris la parole d'un imam. Les faits, très graves en eux-mêmes, ont poussé le grand Boukhatem, le procureur général, occupant le siège du ministère public, à demander la confirmation du jugement prononcé en première instance : un an ferme. Toufik L., le jeune inculpé, a affirmé à Kessenti qu'il avait protégé la jeune égarée. «Je l'ai épousée pour effacer la honte à laquelle je n' ai jamais participé», a murmuré le détenu effarouché à l'idée d'évoquer une peine de prison pour des prunes. Mon oeil, oui ! Tout avocat peut remettre, à tout moment durant les débats, au juge un document susceptible, en premier lieu évidemment, d'éclairer la justice. Me Laceb, lui, a innové en tendant à Mme la présidente, en forme, une attestation de lecture écrite et dûment signée de la «fatiha» émanant de l'imam exerçant dans la mosquée du coin. C'est une première dans une des nombreuses audiences consacrées à un détournement de mineure... «Le délit n'existe plus donc. Il y a un lien conjugal entre la prétendue victime et l'inculpé», a martelé Me Laceb, vite relayé par Boulefrad qui a réitéré aux juges que leur client avait récupéré cette fille de la rue et qu'il lui avait redonné la dignité en l'épousant. «C'est le père de la malheureuse qui a refusé le mariage pour exiger une faramineuse somme d'argent en contrepartie, se fichant de l'avenir de son enfant», a articulé l'avocat qui parle d'ex-victime et de Madame, fraîche mariée avec le détenu. Verdict: la relaxe est accordée. Ouf!