L'homme de théâtre, Slimane Benaïssa, a trouvé le ton juste pour raconter son Algérie sur une scène de théâtre. Plutôt que de refaire dans les larmes et l'amertume le chemin de la colonisation à la Guerre d'indépendance et de la démocratie aux flammes de l'intégrisme, Benaïssa a choisi la voie souriante. Dans Confessions d'un musulman de mauvaise foi au Théâtre Saint-Gervais, il parvient à mettre cinquante ans d'histoire de son pays en boîte, sous forme d'une saga familiale menée au son des youyous. Tout commence par une naissance ou plutôt par deux, celles de Karim et Karima, faux jumeaux qui provoquent un commentaire immédiat de leur père. «Tu rates toujours tout, dit-il à sa femme, même les jumeaux. C'est deux garçons qu'il fallait me donner!» Le machisme ne se cache pas, dans l'Algérie où est né Slimane Benaïssa. Ailleurs il existe aussi, si l'on en juge par certains échos télévisés de la vie de gens beaucoup plus proches de nous. Ce qui prouve qu'on peut parler de l'Algérie des années cinquante tout en éclairant des traits universels. Slimane Benaïssa a réglé lui-même la mise en scène de son spectacle. Il a choisi un visuel ensoleillé conçu par Laurence Bruley, qui évoque tantôt la maison natale de Karim, l'école coranique, l'école publique, un hammam ou encore une chambre à coucher. C'est là que notre Karim cède à l'ultime tentation, après celle du banyuls et du saucisson : se laisser aller dans les bras d'une jeune coopérante française très... coopérative. Ces éléments de comédie, soutenus par des dialogues vifs et amusants, ne cachent pas la gravité du propos. «Etranglé par le désir de dire, j'ai essayé d'inventer une manière de rompre le silence», écrivait Slimane Benaïssa en 1997. Avec ses Confessions d'un musulman de mauvaise foi, l'auteur poursuit sa lutte contre l'ignorance. Créé en banlieue parisienne en novembre 2004, ce spectacle s'adresse principalement aux jeunes qui savent apprécier son discours clair et sa dérision intelligente. Avec eux, on apprend qu'il y avait déjà eu du chemin de fait entre les habitants d'origines variées de ce pays. Qu'à deux reprises, ce chemin a été coupé et la population dispersée, mais que l'espoir d'un renouveau ne doit pas être exclu si la connaissance de l'autre et la tolérance parviennent à s'installer. Cinq comédiens, dont Benaïssa lui-même, jouent avec charme et conviction les différents personnages de cette fresque.