Les «redresseurs» affirment détenir des preuves tangibles qui sont entre les mains de la justice. La crise qui ronge le parti d'El Islah prend une grave tournure. Hier le mouvement de redressement a révélé, dans une conférence de presse organisée au Centre international de presse (CIP) que le chef du parti, en l'occurrence M. Abdallah Djaballah, a lancé une fetwa «qui légitime la liquidation physique des instigateurs de ce mouvement qui a vu le jour le 15 octobre 2004». «M.Mohamed Boulahia, président du conseil consultatif a déjà reçu une lettre anonyme le menaçant de mort s'il persiste dans sa démarche», précise M.Djahid Younsi. Et ce n'est pas tout. Selon le conférencier, «Djaballah a confié à un député proche de lui qu'il est prêt à recourir à cette forme de violence avec tous ceux qui dévient de la ligne qu'il a tracée citant principalement les cinq chefs de file du mouvement de redressement». C'est la première fois, depuis le début de la crise au sein du parti, que de telles révélations sont faites, ce qui donne une autre dimension aux divergences «politiques» qui séparent le chef du parti et ses anciens proches collaborateurs. Le recours à la violence est intervenu, selon les explications de Djahid Younsi, après les tentatives désespérées, qui sont toutes vouées à l'échec, menées par «le président du parti et ses fidèles dans le but de contenir le mouvement de redressement». Dans cette perspective, ce dernier aurait tenté «de corrompre les 23 députés qui ont assisté à la réunion de renouvellement des instances du parti à l'APN tenue le 21 avril dernier». Des méthodes qui ne semblent pas surprendre les concernés, lesquels estiment qu'«elles révèlent la face cachée de la personnalité de Djaballah». «C'est bien Djaballah, ajoute Younsi, qui a défendu le djihad dans ses livres». Sur un autre chapitre, M.Benabesselam a pris en charge le volet financier de la crise. Il a accusé, en des termes à peine voilés, Djaballah d'avoir détourné les fonds du parti. «Nous demandons que la justice désigne un expert financier pour enquêter sur les graves dépassements commis par ce dernier», citant au passage les sommes faramineuses qui sont entrées dans les caisses du parti, sans pour autant profiter aux militants. «Le parti a bénéficié de plus de 10 milliards de centimes, ces cinq dernières années. Une enveloppe qui représente les cotisations des militants, les subventions de l'Etat et les dons des sympathisants», atteste Benabdesselam. Djaballah est accusé aussi de fraude fiscale: «Le président du parti touche plus que le chef du gouvernement, (17 millions de centimes) alors qu'il ne déclare aux services des impôts que l'infime somme de 15.000 DA». Ces déclarations interviennent 48 heures avant l'annonce du verdict de la chambre administrative. Les «redresseurs» tentent-ils, à travers cette sortie, de faire pression sur la juge chargée de l'affaire? C'est la thèse qui semble la plus plausible, sinon comment expliquer le fait que ces derniers ont attendu ce moment précis pour faire ces révélations? Tout compte fait, les «redresseurs» affirment avoir les preuves tangibles, qui affirment-ils, sont entre les mains de la justice. «Nous faisons confiance en la justice de notre pays». Dans le cas contraire, ces derniers révèlent qu'ils n'ont pas l'intention de baisser les bras. «Nous ferons appel. Le chemin est encore trop long». Concernant le congrès du parti, Boulahia a affirmé qu'«il sera organisé dans les plus brefs délais», sans pour autant annoncer une date précise. Pour le président de la commission nationale chargée de la préparation du congrès, «l'interdiction prononcée par le ministère de l'Intérieur le 27 décembre 2004 concerne le congrès de Djaballah». Autrement dit, «elle ne pourra être appliquée au congrès que le mouvement s'attelle à préparer». Boulahia est revenu sur les péripéties de la crise et le refus catégorique de Djaballah d'ouvrir les portes du dialogue, soulignant que «c'est lui qui prétend défendre la réconciliation nationale prônée par le président». Parmi les autres griefs retenus contre le président du parti, «c'est cette tentative de se rapprocher du pouvoir et de marchander avec son parti rien que pour en garder le contrôle absolu». Le mouvement de redressement qui a commencé avec 7 députés «connaît une impulsion remarquable», soulignent ses promoteurs. Preuve en est, «la réussite des 30 congrès de wilaya que nous avons organisés ces huit derniers mois alors que Djaballah n'a pu tenir que 13 congrès et non pas 48 comme il le prétend», précise Boulahia. De con côté, M.Miloud Kadri, chef du groupe parlementaire fraîchement élu, est revenu sur le renouvellement des instances du parti à l'APN. «Une opération qui s'est déroulée dans le respect du règlement intérieur du parti», note-t-il. Pour rappel, l'aile proche de Djaballah compte organiser en fin de semaine une réunion du groupe parlementaire pour la même raison. Enfin, les graves propos tenus hier par les «redresseurs» risquent de menacer sérieusement le devenir de ce jeune mouvement islamiste et de son leader Abdellah Djaballah, qui a réussi la gageure de revenir sur la scène politique après son «départ» d'Ennahda. Quelle sera la riposte du président du parti?