Le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah a réuni son gouvernement dans la bande de Ghaza hier, une première depuis 2014 censée matérialiser le retour de l'Autorité palestinienne internationalement reconnue aux commandes du territoire aux mains du Hamas. «Nous sommes ici pour tourner la page de la division et restituer au projet national son juste cap qui est la création d'un Etat» palestinien, a déclaré M. Hamdallah devant ses ministres réunis sous les portraits du leader historique Yasser Arafat et de l'actuel président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Malgré la circonspection nourrie par l'échec des précédentes tentatives de rapprochement, la tenue de ce conseil des ministres placé sous très haute protection armée est, après l'arrivée de M. Hamdallah à Ghaza lundi, une avancée significative dans l'effort des groupes palestiniens pour surmonter une décennie de déchirements dévastateurs. La visite de M. Hamdallah doit préparer le terrain à un transfert progressif de responsabilités -au moins civiles- du Hamas à l'Autorité palestinienne, dont émane le gouvernement palestinien. Le Hamas, a évincé l'Autorité de Ghaza en 2007 au prix d'une quasi-guerre civile avec le Fatah, son grand rival laïc qui domine cette entité créée par les Accords d'Oslo et censée préfigurer un Etat indépendant. Depuis, l'Autorité n'exerce plus son pouvoir, limité, que sur la Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 50 ans et distant de Ghaza de quelques dizaines de kilomètres. Les dissensions palestiniennes sont considérées comme l'un des principaux obstacles à un règlement du conflit israélo-palestinien et l'une des causes des maux endurés par les deux millions de Ghazaouis: guerres, blocus israélien et égyptien, pénuries d'eau et d'électricité, chômage... Le gouvernement palestinien avait siégé à Ghaza pour la dernière fois fin 2014, au lendemain d'une guerre destructrice, la troisième dans le territoire entre Israël, le Hamas et ses alliés depuis 2008. Malgré l'ampleur de la reconstruction et l'insistance de la communauté internationale sur le nécessaire retour de l'Autorité à Ghaza pour la mener à bien, la discorde avait vite repris le dessus. En septembre, le Hamas a fini par accepter le retour de l'Autorité sous la pression du grand voisin égyptien, des déconvenues diplomatiques de son allié qatari et d'un sévère tour de vis financier donné par M. Abbas, qui a notamment cessé de payer la facture de l'électricité fournie par Israël à Ghaza. Les Ghazaouis éprouvés attendent à présent que M. Abbas ou M. Hamdallah annonce la levée de telles mesures. «On reviendra dessus (sur ces mesures) quand le gouvernement sera en mesure d'assumer ses responsabilités», a déclaré M. Abbas lundi soir à la télévision égyptienne CBC. Dans cet entretien au ton conciliant et face au scepticisme répandu, M. Abbas a souligné la «volonté forte», de part et d'autre, d'unité, sans laquelle «il n'y aura pas d'Etat palestinien». Mais il a réitéré des conditions qui se dessinent comme autant de potentiels points de rupture. L'une des questions primordiales est de savoir si le Hamas, disposant d'une force armée estimée à environ 25 000 hommes, est prêt à céder le contrôle de la sécurité à l'Autorité. «Les points de passage (avec Israël et l'Egypte), la sécurité, les ministères, tout doit être dirigé par l'Autorité palestinienne», a martelé M. Abbas, «ce sera un seul Etat, un seul système, une seule loi et une seule arme». «Pour être plus clair, je n'accepterai pas qu'on reproduise ou qu'on clone l'expérience du Hezbollah au Liban», a-t-il dit, en évoquant une situation où un groupe armé exerce une influence majeure sur la politique d'un gouvernement. Les questions aussi épineuses sont renvoyées à des entretiens que le Fatah et le Hamas doivent avoir dans les prochains jours au Caire. La réconciliation «nécessitera des efforts, du temps et du travail», a prévenu M. Abbas, le porte-parole du gouvernement, Youssef Mahmoud, reconnaissant que ce dernier «n'a pas de baguette magique».