Des différends sans cesse remis sur le tapis Un malheur arrivant rarement seul, le Conseil d'Etat a réagi aussi sec à travers un communiqué pour «rappeler» qu'il n'appartient pas au Parlement, hostile à l'accord onusien, de faire les propositions d'amendements, mais à lui et à lui seul. Pour l'ensemble des Libyens en attente d'une paix improbable, les années se suivent et se ressemblent. Le nombre incalculable de tentatives de réconciliation des camps ennemis semble n'avoir aucun effet sur la méthode expérimentale enclenchée avec la nomination de l'envoyé spécial franco-libanais de l'ONU, Ghassan Salamé. Réunies à Tunis dimanche dernier, les factions présentes ont vu une délégation parlementaire annoncer la «suspension» de sa participation aux pourparlers alors que les «consultations internes» se sont poursuivies jusqu'à hier soir. Les discussions de Tunis réunissaient, d'un côté des représentants du Parlement élu en 2014 et basé dans l'est du pays, de l'autre des membres du Conseil d'Etat basé à Tripoli et formé en grande partie par des ex-membres du Congrès général national (CGN, ex-Parlement) issu des élections de 2012 et dont Khalifa Ghweil est le chef de file. Les deux camps avaient pour objectif de convenir de plusieurs amendements à l'accord inter- libyen conclu sous l'égide de l'ONU en décembre 2015, à Skhirat, au Maroc. Lequel accord a servi de matrice à la création du Conseil présidentiel et du gouvernement conduits par Fayez al Serraj qui n'est pas parvenu, depuis, à asseoir son autorité sur l'ensemble du pays, du fait de la forte opposition du maréchal Haftar et des autorités de l'Est ainsi que des milices et tribus contestataires dans le Sud. Certes, le GNA appuyé par l'ONU a pu s'installer dans la capitale Tripoli, ainsi que dans quelques autres villes de l'Ouest, grâce au soutien des milices de Misrata notamment. Mais Tobrouk où siège le Parlement et Benghazi où «règne» le maréchal Haftar lui sont farouchement hostiles; en témoigne la réaction du président de la délégation du Parlement qui a reproché à ses rivaux, lundi soir, à Tunis, de remettre sur le tapis des différends qu'il estime déjà réglés pour aussitôt en prendre prétexte pour claquer la porte des négociations. Un malheur arrivant rarement seul, le Conseil d'Etat a réagi aussi sec à travers un communiqué pour «rappeler» qu'il n'appartient pas au Parlement, hostile à l'accord onusien de faire les propositions d'amendements mais à lui et à lui seul. On le voit, l'éternel jeu de la barbichette auquel se livrent sans cesse les diverses factions ne va pas faciliter la tâche aux médiateurs internationaux de sorte que la Manul, mission de l'ONU pour la Libye, a reconnu dans un communiqué que les discussions «sont ajournées» et qu'il «reste encore beaucoup à faire» avant d'espérer des pourparlers francs et sincères. C'est donc juste pour la forme que les deux camps ont poursuivi hier leurs «consultations internes», butant constamment sur l'article 8 de l'accord qui concède au gouvernement d'union nationale le pouvoir de nommer le chef des armées. Un article que ni Haftar ni le Parlement de Tobrouk n'ont voulu à ce jour entériner et pour cause. Le maréchal part du principe que la force prime et qu'à ce titre il est bel et bien le maître du pays, chose dont on imagine aisément qu'elle sera confirmée par des élections grandeur nature puisque Haftar est la seule personnalité connue et reconnue par la majorité des Libyens. Les multiples visites effectuées à Rome, Moscou, Paris et Abou Dhabi ont achevé de lui conférer une aura que Fayez al Serraj, mis sur un pied d'égalité avec lui par les prétendues initiatives de règlement de la crise libyenne comme à La Celle-Saint Cloud, en juillet 2015, par le président français Emmanuel Macron, aura bien du mal à contre-carrer. Affaibli par toutes ces manoeuvres improductives contre lesquelles le Haut comité pour la Libye de l'Union africaine s'est élevé lors de sa dernière réunion à Brazzaville, Al Serraj demeure, pour l'instant, l'interlocuteur légitime de la communauté internationale et du Groupe des pays voisins dont l'Algérie qui multiplie les contacts en vue d'aplanir les divergences et de favoriser l'entente cordiale de tous les rivaux sans exclusive. A Tunis, une étape est amorcée qui aura au moins permis de confirmer l'adhésion des uns et des autres à un amendement de l'accord disposant que le Conseil présidentiel comportera trois membres au lieu de neuf et d'esquisser la composante du futur gouvernement. Ce n'est pas une mince affaire, on s'en doute, car cela implique également de s'entendre sur les mécanismes du choix et des prérogatives exactes de ces deux autorités qui oeuvreront aux côtés du Parlement et du Conseil d'Etat. La route est encore longue qui mènera à une Libye apaisée et souveraine, capable de lutter contre les activités terroristes et les multiples trafics en vogue depuis 2011.