Je l'ai dit à François Hollande : je revendique la condamnation du colonialisme, mais c'est toute la France qui en porte la responsabilité et non pas une seule frange : les pieds-noirs », dit Georges Morin, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, maire-adjoint de Gières (Isère), vice-président de Cités-Unies-France, association de maires militant pour la coopération internationale, fondateur et président de l'association Coup de soleil qui travaille sur le rapprochement entre la France et le Maghreb. Ce Constantinois, rencontré, hier, à l'hôtel Djazaïr à Alger, et dont les parents ont quitté Constantine en 1979, accompagne la délégation du Parti socialiste français menée par son premier secrétaire François Hollande, en visite à Alger sur invitation du FLN. « Hollande a tenu à ce que l'historien Benjamin Stora, Faouzi Lamdaoui (responsable de l'Egalité des chances au bureau national du PS et candidat à la députation à Argenteuil) et moi fassions partie de la délégation : un chrétien, un juif et un musulman, fruits de l'histoire de ce pays, et qui expriment la chance extraordinaire des deux pays d'avoir ce potentiel humain partagé », explique cet ancien instituteur, auteur notamment d'un ouvrage dans la collection « Idées reçues » sur l'Algérie (éd. Le Cavalier Bleu, 2003) qui rit lorsqu'on évoque un « lobby constantinois au sein du PS ». Plus sérieusement, il reprend : « Si on exige chaque matin à la France de demander pardon, on va créer l'inverse de ce qu'on veut : les gens vont se cabrer. » Pour Georges Morin, « rien n'empêche que le chef d'Etat français dise que la colonisation est le pêché originel comme il a reconnu la responsabilité de l'Etat français lors des rafles des juifs au Vel dHiv (Vélodrome d'hiver à Paris) en 1942, ou comme a fait Jospin en 1997 en reconnaissant que l'armée française a fusillé des soldats français en 1917. Si on (les socialistes) revient aux affaires, rien n'empêche de le dire et de rappeler que les réalisations du temps de la colonisation c'était pour les Européens uniquement ». A ses yeux, il faut suivre l'exemple de la déclaration de l'ambassadeur de France, M. Hubert Colin de Verdière, à l'université de Sétif le 27 février 2005, où il avait qualifiés les massacres de mai 1945 de « tragédie inexcusable ». « Il l'a dit devant les jeunes, c'est important », poursuit M. Morin qui tient à préciser que M. Hollande fait partie de la génération d'hommes politiques qui n'a pas connu directement la guerre d'Algérie. « Hollande considère ce passé avec sérénité tout en assumant son héritage », dit-il. « La volonté de Hollande est de marquer, à travers cette visite et la composante de la délégation, l'importance de l'attachement humain entre les deux pays, l'importance aussi de l'électorat en France à la veille d'échéances capitales », indique Georges Morin ajoutant que « le PS ambitionne de mettre en place une grande politique méditerranéenne comme un exemple de ce que devraient être les relations Nord-Sud, et dont le pivot serait la relation entre l'Algérie et la France. Un peu comme l'est l'axe Berlin-Paris dans la construction européenne ». « Car malgré la polémique entre Alger et Paris, la coopération reste effective : les contrats du métro, du tramway et de l'aéroport, sans oublier la coopération décentralisée citée en exemple par les deux présidents Chirac et Bouteflika en 2003 », rappelle Georges Morin citant le jumelage entre Grenoble et Constantine et les projets communs entre les deux municipalité dans le domaine de l'urbanisme, du planning familial etc. « Les deux municipalités se téléphonent souvent pour ces domaines et la société civile est tellement impliquée que le maire de Grenoble m'a fait récemment remarquer qu'on ne contrôlait plus totalement et c'est tant mieux », dit-il. M. Morin est le président du groupe Algérie au sein de l'association Cités-Unies, groupe incluant les 37 villes françaises qui travaillent avec l'Algérie. L'association qu'il préside, Coup de soleil, organise annuellement le « Maghreb des livres » à Paris : 250 auteurs invités, 6000 visiteurs et 10 000 livres sur les stands. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, (PS) et membre de Coup de Soleil, invitera la 13e édition de la manifestation à l'Hôtel de ville de Paris les 3 et 4 février 2007. Hommage sera rendu à André Mandouze et à Assia Djebbar lors de cette édition, « au cœur de Paris, au cœur même de la France », dit Georges Morin qui a pris contact avec les autorités algériennes pour accueillir le salon en Algérie l'an prochain dans le cadre des manifestations tournantes à travers le Maghreb.