Quand la musique est bonne, elle parle au coeur et à l'âme et vous touche immédiatement. Ce fut le cas jeudi soir, incontestablement... Prévu initialement à 20h30, le concert a été retardé à cause du match de la Coupe du monde à 21h30. Mais c'est à 22h passées qu'il commencera. Il s'agissait de la Fête de la musique organisée depuis quatre ans déjà au niveau de la Grande-Poste d'Alger. A gauche de celle-ci, on pouvait remarquer deux camions de police et une ambulance. Bémol au tableau, le cordon de sécurité qui empêchait le public d'accéder en bas de la scène pour danser. Seules les familles étaient autorisées à occuper les à-côtés de la scène sagement sur des chaises. Y assistaient en face les organisateurs de cet événement, le directeur de l'Institut français d'Alger, l'ambassadeur de France et le directeur des Instituts français d'Algérie. La France en force était bien présente pour célébrer la fête de la musique à Alger. Normal me diriez-vous! L'idée de cette manifestation est bel et bien un concept venant de France et institué en 1982 à l'époque par l'ancien ministre de la culture Jack Lang. Une très bonne idée même! La soirée avait un goût de prolongation du mois de Ramadhan puisqu'elle finira tard. La première partie est assurée comme par un chef, Djamil Ghouli, qui, bien rodé à la scène, a mis le feu grâce à sa gouaille, sa très belle musique métissée et chaude d'Afrique, rehaussée de choeurs qui donnaient le «la» à ses morceaux déjà connus, tel Madiba avec laquelle il ouvrira son tour de chant. Suivra Tobabotico et d'autres morceaux des plus rythmés et entraînantes comme Dinar ou encore Hchiche ou Pois chiche. Djamil était accompagné d'excellents musiciens à l'instar de Nazim Bakour à la guitare électrique qui enflammera le public avec ses riffs endiablés. Interrogé au niveau du backstage, à la fin de son show, Djamil nous confiera que c'est la première fois qu'il participe à la fête de la musique. Ce concert fait suite à une multitude d'autres dates qui l'ont mené à sillonner toute l'Algérie cette année. Et de nous confier avec enthousiasme qu'un double album sortira bientôt. La seconde partie verra le public diminuer un peu en raison de l'heure tardive. Toutefois, les barrières tombées, certains pourront se faufiler et rejoindre le bas de la scène où beaucoup se sont mis spontanément à danser dès l'entame du premier ou second morceau du groupe qui succédera à Djamil. Il s'agit de Orange Blossom, un groupe français dont le style se situe entre la musique électronique pure et la world music d'influence arabe et occidentale. Au départ, on est quelque peu déçu car le rythme s'apparente à du chant traditionnel arabe des plus soporifiques. Mais notre pensée est vite dissipée lorsqu'on prend plein les oreilles de ce qui va suivre. Les mélopées incandescentes de la chanteuse égyptienne Hend Ahmed vont porter de bout en bout cette musique jusqu'à la transe rock orientalisante transportée qu'elle sera par un lyrisme fulgurant appuyé par le vertige d'un violoniste du tonnerre et de basses explosives. Une musique qui parlera à l'âme assurément de façon incandescente. La chanteuse habillée d'une tenue traditionnelle égyptienne et pieds nus, accompagne ses morceaux par des mouvements de hanches et de danses saccadées. Le groupe est en effet composé de Hend Hamed au lead vocal, de Carlos Robles à la batterie et machines, Fatouma Dembele aux percussions, PJ Chabot au violon et Antoine Passet à la guitare. Cette formation est le fruit de la rencontre musicale en 1993 de P.J. Chabot et Jay C., rejoints ensuite par Eric. Les influences musicales revendiquées sont transglobales underground, tricky, minimal compact et tindersticks. Le premier album sort en 1997 sur le label priskonovénie. Ils collaborent avec plusieurs artistes étrangers comme Yelemba d'Abidjan ou le collectif égyptien Ganoub. Le groupe subjuguera le public par sa prestance et son professionnalisme. Le percussionniste en virtuose de la rythmique s'adonnera à différents tempos en faisant voyager l'assistance dans toute l'Afrique. Ce qui est surprenant avec ces chansons inspirées du folklore égyptien est le fait qu'elles parviennent à mélanger avec justesse des chants religieux avec des nappes de musique électrique en toute aisance pour passer à d'autres morceaux qui traitent de la vie et de l'amour notamment. Des textes interprétés en langue arabe sur fond de son occidental modernes ou comment la fusion de deux monde improbables peut faire naître de la beauté extatique. Car le résultat sensoriel de ce groupe est typiquement phénoménal. En un seul mot: jouissif!