«Notre effort pour la paix est connu de tous, heureusement.» Coiffé d'une ample chéchia verte, Madani Mezrag donnait l'image d'un homme qui voulait mettre un terme à une polémique qui lui a porté préjudice. Son entretien paru dans Jeune Afrique l'Intelligent et dans lequel il donnait l'impression d'être un homme qui n'a pas peur de porter avec lui son passé terroriste, l'indispose au plus haut degré, et le contraint à organiser, aujourd'hui une conférence de presse dans laquelle il donnera sa version des faits. En fait, Mezrag dit que le principe d'un entretien honnête a été faussé d'avance au plan de la sémantique, l'intervieweur parlant et écrivant en français et l'interviewé s'exprimant en arabe classique. «Il existe en Algérie des marchands de la crise qui possèdent relais et tambour ici et là, et à chaque fois qu'ils reçoivent l'ordre de le faire, ils n'hésitent pas à vous tailler en pièces s'ils le peuvent», dit un communiqué de l'ancien chef de l'AIS (branche armée du FIS dissous). «Que le journaliste auteur de l'entretien me pose des questions sur des faits d'armes, c'est un fait, c'est une chose à laquelle je n'ai pas voulu tourner le dos. J'ai répondu avec un maximum de sincérité, car je le répète, on ne prend pas le maquis pour chasser le gibier. J'ai parlé d'un militaire engagé tué dan le feu de l'action -vers 1994- et pour qui je garde un réel sentiment d'abattement quant j'y repense. C'était un contexte de guerre, et personne ne peut y échapper. Les militaires connaissent bien cela et on a aujourd'hui, tant avec les policiers, les gendarmes que les GLD ou les militaires, les meilleures relations qui soient.» L'ancien chef de l'AIS dit que le fait d'insister sur ces points précis pour attiser les débats et rouvrir les blessures est très malsain de la part de l'auteur de l'entretien, «car il pouvait faire gagner ses lecteurs à la réconciliation et aux efforts sincères faits par notre organisation depuis 1995 pour amarrer l'Algérie à une paix réelle». Madani Mezrag rappelle qu'en 1995, lorsque personne ne rêvait d'une accalmie dans les quartiers périphériques du Centre, comme Cherarba, les Eucalyptus, Meftah, etc., les hommes de l'AIS avaient pu s'intégrer dans ces groupes qui étaient carrément des groupes d'irréductibles, et les faire changer de position, puis les pousser vers une trêve négociée avec les autorités par le biais de l'AIS. «Nous avons ainsi récupéré près de 1500 hommes armés des plus virulents du GIA et nous avions perdu au change 100 de nos hommes, tous morts dans des actions armées contre ce groupe armé.» Autre fait sur lequel a insisté Mezrag: «Nous avions à trois reprises pu prendre par surprise des groupe de GLD, militaires et gendarmes vivants et les armes à la main dans des régions de l'Est algérien. Nous avions pris les armes, mais nous avions relâché les hommes. Les chefs militaires vous confirmeront cela...» Tantôt excédé, tantôt conciliant, Mezrag précise: «J'ai bien envie de rire parfois lorsque je lis des choses pareilles sur notre compte. La réconciliation, nous l'avions assumée et vécue depuis 1995, et depuis 1997 à ce jour, après toutes les étapes accomplies de la loi sur la rahma, à la concorde civile, à la réconciliation nationale, nous pouvons dire que la paix en Algérie s'est faite avec nous, avec notre sang. Nous avons résorbé les maquis de quelque 3000 hommes armés qui ont réintégré leurs familles. Cela, les chefs militaires le savent, mais il faut aussi que les citoyens le sachent aujourd'hui.»