Très attendue par l'ensemble des observateurs, cette décision vient clore un long «feuilleton» politique. C'est officiel depuis hier. L'article 4 de la loi glorifiant le colonialisme a été purement et simplement supprimé. Le Conseil constitutionnel français a rendu sa conclusion hier. S'appuyant sur un argumentaire strictement juridique cette institution de la République française a relevé que l'article 34 de la Constitution (française Ndlr) réserve au domaine de la loi, le contenu des programmes scolaires. Ceux-ci ne relèvent donc pas ni des principes fondamentaux de l'enseignement ni d'aucun autre principe ou règle que la Constitution place dans ce domaine, a estimé le Conseil constitutionnel français. C'est ainsi que la plus haute autorité juridique de la République a très officiellement donné raison à Jacques Chirac dans le bras de fer qu'il a engagé avec la majorité parlementaire. Très attendue par l'ensemble des acteurs politiques et autres observateurs, tant en France qu'en Algérie, la décision du Conseil constitutionnel vient clore un long «feuilleton» politique, où chaque camp a tenté de peser sur l'opinion française pour l'amener à épouser ses thèses. Mais plus qu'un simple «combat politique» la loi du 23 février a réveillé les démons qui sommeillaient au sein de la société française qui, profondément partagés sur l'attitude à avoir face au passé récent de la France, se sont «jetés à la figure» des propos à la limite de la correction et qui ont failli faire exploser la cohésion du corps social de ce pays. La fameuse loi, dénoncée pas seulement par les intellectuels et les enseignants d'histoire, a aussi interpellé les autorités, suite à la réaction, des territoires d'Outre-Mer. Mais c'est manifestement la levée de boucliers à Alger qui a le plus eu d'effet sur les événements. En effet, votée le 23 février 2005, la loi n'est revenue sur le devant de la scène que quelques mois après, lorsque le chef de l'Etat relayé par l'Association du 8 Mai 1945 et le FLN, en a soulevé le caractère «révisionniste». Le président de la République avait, on s'en souvient, évoqué et condamné cette loi dans de nombreux discours, notamment lors des meetings à l'occasion de la campagne référendaire consacrée à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Allant jusqu'à comparer les fours à chaux de Guelma aux fours crématoires nazis, le chef de l'Etat a fortement secoué la conscience française, ce qui a obligé le ministre des Affaires étrangères de ce pays à réagir, dans une tentative de réduire l'impact des déclarations de Bouteflika. Et c'est ce même ministre qui est démenti par l'ambassadeur en poste à Alger qui a qualifié les massacres du 8 mai 1945 de «crimes inexcusables». Depuis, l'Etat français a sensiblement tempéré son discours et même essayé d'étouffer les mécontentements qui fusaient de partout. Alors que la «contestation» prenait de l'ampleur, le président français Jacques Chirac a préféré, pour ce qui le concerne, se tenir en retrait du débat. Lequel a été chaud en France et a opposé les politiques de l'UMP à ceux du Parti socialiste. Ce dernier livre une déterminante bataille à l'Assemblée française, en déposant une motion contre l'article 4 de ladite loi. Une bataille qu'il perdra puisque, soumise une seconde fois au vote de l'Assemblée dans la seconde moitié du mois d'octobre dernier, le très contesté article 4 est revoté en l'état. La défaite parlementaire du PS a fait monter le débat d'un cran. C'est ainsi que le Premier ministre français Dominique De Villepin est entré dans «l'arène», en s'opposant à sa propre majorité, souhaitant une réécriture du fameux article. L'initiative du Premier ministre a été suivie de celle du président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, qui a mis en place une commission de réflexion. Le n°1 du pouvoir législatif est également entré en action pour soutenir la position des dirigeants de son pays contre celle des «élus du peuple». Jean-Louis Debré a, en effet, «assumé» publiquement une position, pour le moins bizarre en pareille circonstance, puisqu'il s'est aliéné les députés qui l'ont placé au poste qu'il occupe. Toutes ces «sorties» courageuses au vu des circonstances ont eu en France leurs contradicteurs, à l'image de Philippe de Villier qui n'a trouvé aucun autre argument pour défendre son point de vue que de «disserter» sur l'hospitalisation du président de la République à Paris. L'admission du chef de l'Etat au Val-de-Grâce a d'ailleurs été honteusement récupérée par les partisans de la loi du 23 février. Mais cette tentative a été vouée à l'échec. Mais l'un des épisodes les plus forts de ce «feuilleton» à rebondissements est manifestement l'intervention du président Chirac qui a demandé à Jean-Louis Debré de lui faire un rapport sur la situation. Sitôt les conclusions reçues, le chef de l'Etat français a saisi le Conseil constitutionnel pour l'abrogation pure et simple de l'article controversé. Depuis hier, c'est chose faite.