«Un psycho-drame où chacun se met dans la situation conflictuelle dans laquelle il se trouve et il joue. A partir du moment où cela le forge, c'est la moitié de la guérison». En absence de public, la cinémathèque algérienne a abrité samedi la projection du film Une si jeune paix (1964/100 minutes), un film abordant la rivalité de deux bandes d'enfants marqués par les séquelles de la guerre de Libération nationale. A l'issue de la défaite d'une des équipes, Mustapha, le leader, un garçon dont les parents ont été assassinés par l'OAS, décide de se venger et déclare la guerre à l'équipe adverse jusqu'à la fin fatidique d'un des enfants qui sera exécuté après son jugement. Ce film renvoie aux exactions des adultes interprétés avec talent par des enfants qui ont véritablement connu des traumatismes. D'ailleurs, l'histoire est tournée dans ce même centre pour enfants inadaptés que l'ancien ami de Jacques Charby, Abderrahmane Nasseur, présent à la projection, a créé. Il interprète même le rôle de l'éducateur, une mission qu'il a bien menée à cette époque. «J'avais créé une association, La nouvelle génération pour accueillir les enfants de la guerre. C'était ma propre initiative. Je l'ai créée avec des militants. Au début, j'étais éducateur spécialisé pour enfants inadapté. J'ai rencontré Jacques Charby en Tunisie. Comme il aimait les enfants, il venait souvent nous rendre visite à la Maison d'enfants que je dirigeais.» Et de souligner: «C'était ma façon de participer à la guerre de Libération nationale. Mon arme était d'être éducateur spécialisé, en m'occupant d'enfants. De 1958 à 1962, je l'ai fait en Tunisie, puis de 1962 à 1965, en Algérie. Le travail s'est arrêté en 1965 après le fameux redressement, le coup d'Etat du 19 juin 1965. Mon expérience s'arrête là. Après cela, j'ai fait du cinéma, l'université, la peinture, la sculpture...» Emu, M.Nasseur dira être touché par le film. «C'est agréable de voir ce film. J'ai revu des enfants qui sont aujourd'hui, pères sinon grands-pères avec de nombreux enfants.» Et d'indiquer: Une si jeune paix est une sorte de psycho-drame où chacun se met dans la situation conflictuelle dans laquelle il se trouve et il joue. A partir du moment où cela le forge, c'est la moitié de la guérison. On a utilisé cela aussi à travers les marionnettes.» Notons que lorsque Jacques Charby rentre en France en 1966, il était accompagné de Mustapha Belaïd, l'un des acteurs principaux et aussi l'un de ces enfants orphelins et mutilés qui se sont laissés mourir. Comédien et militant anticolonialiste, Jacques Charby s'est éteint le 1er janvier 2006 à l'hôpital Saint Antoine à Paris. Il était âgé de 77 ans. Durant la guerre d'Algérie, Jacques Charby a rejoint le réseau Jeanson en 1958 en même temps que sa femme Aline. Arrêté en février 1960 et incarcéré à la prison de Fresnes, il obtient la liberté médicale, s'évade et se réfugie à Tunis. Condamné par contumace à dix ans de prison, il se fixe à Alger après l'indépendance avant de bénéficier de la loi d'amnistie en 1966. Jacques Charby a en outre publié L'Algérie en prison (Minuit) ainsi que Les Enfants d'Algérie (Maspero), un recueil de témoignages et de dessins d'orphelins de la guerre, réfugiés en Tunisie. Les deux ouvrages furent interdits en France à leur parution. Son grand mérite c'est d'avoir révélé les atrocités de la guerre vues et subies par les enfants. Une guerre qui n'épargne personne ! Prix du Jeune Cinéma à Moscou en 1965 avec Mustapha Belaïd, Ali Larabi, Une si jeune paix sera projeté le14 mars 2006, dans le cadre du 17e Festival Travelling de Rennes. En plus des enfants, le film nous fait découvrir Alger avec ses magnifiques paysages d'antan. Enfin il est utile de signaler que la bande musicale du film est signée par le grand Mohamed El Anka. Dommage qu'on n'aie pas pu apprécier le son à cause de sa défectuosité, avant-hier à la cinémathèque. Même l'image laissait à désirer. On se demande dans ce cas, dans quel état sera la copie qui sera utilisée à Rennes?