Des centaines d'anciens collaborateurs de George W. Bush, de John McCain ou de Mitt Romney et une place d'honneur réservée à des républicains à la convention démocrate: Joe Biden ne ménage pas ses efforts pour afficher le ralliement d'ex-opposants, espérant convaincre des électeurs encore indécis qui pourraient lui donner la victoire face à Donald Trump. A 50 ans et après deux décennies de vote républicain, Kari Walker, électrice du Wisconsin, compte choisir Joe Biden le 3 novembre. Elle qui confiait déjà il y a deux semaines qu'elle ne pouvait pas se résoudre à voter Donald Trump, encore «pire président que ce que j'imaginais», a depuis «trouvé convaincant le soutien de ces piliers républicains». »J'aurais voté Biden de toutes façons mais j'apprécie que des personnalités républicaines influentes sautent le pas», explique cette copropriétaire du bar-restaurant Touchdown Tavern dans la petite ville de Reedsburg, dans un comté qui avait basculé pour Donald Trump en 2016 après avoir, deux fois, élu Barack Obama. C'est ce type d'électeurs que l'équipe de campagne de l'ancien vice-président américain tente d'attirer avec les gros titres qui se sont multipliés cette semaine: «Plus de 200 anciens responsables de l'administration Bush», «Plus de 100 anciens du réseau McCain», «D'anciens membres de la campagne présidentielle de Mitt Romney 2012», tous «soutiennent Joe Biden». Si l'ex-bras droit de Barack Obama domine largement Donald Trump dans les sondages nationaux, l'écart se resserre dans certains Etats pivots, qui font et défont les élections en basculant d'un parti à l'autre. La mobilisation de ces électeurs pourrait donc être décisive. Le milliardaire républicain les courtise également ouvertement, en mettant en garde contre l'«anarchie» qui règnerait sous une présidence Biden et qui pourrait mener à la «destruction» des banlieues résidentielles. Et en présentant, pendant sa convention, quelques démocrates passés «de l'autre côté». Mais les ralliements sont plus nombreux en faveur du candidat démocrate, qui tente de convaincre les électeurs déçus, voire indignés, par le style et la gestion de Donald Trump, notamment de la pandémie qui a fait plus de 180.000 morts aux Etats-Unis. Ce «n'est pas une décision facile à prendre pour des républicains», ont écrit des proches du sénateur aujourd'hui décédé John McCain, bête noire de Donald Trump, qui lui rendait bien son dédain. «Compte tenu du manque de compétence du président sortant, de ses tentatives pour aggraver plutôt que panser les divisions entre Américains, et de son incapacité à respecter les valeurs américaines, nous estimons qu'élire l'ancien vice-président Biden est à l'évidence dans l'intérêt national», ont-ils poursuivi dans une lettre ouverte. «L'avalanche d'insultes et de vulgarité que nous avons vue ces dernières années doit cesser», ont renchéri les anciens de l'administration Bush. «Nous avons perdu notre sens moral». «Je connais personnellement plusieurs de ces personnes et sais à quel point elles sont profondément conservatrices sur de nombreux sujets», a souligné un journaliste et éditorialiste du Washington Post, Glenn Kessler, sur Twitter. «Je n'aurais jamais imaginé qu'elles soutiendraient publiquement un président démocrate».Dès le printemps, des groupes de républicains anti-Trump, comme le Lincoln Project, avaient annoncé leur soutien. Mais à partir de la convention démocrate (17 au 20 août), l'opération séduction a redoublé d'intensité. Au premier soir, John Kasich, l'ancien gouverneur de l'Ohio, un Etat-clé dans la présidentielle américaine, a ainsi eu droit à une place de choix pour son discours. Le lendemain, ce fut au tour de Colin Powell, ancien chef de la diplomatie américaine et avocat controversé de la guerre en Irak. En tout, un temps de parole bien plus long que celui notamment accordé à la célèbre élue progressiste du Congrès, Alexandria Ocasio-Cortez, a-t-on grincé dans l'aile gauche du parti. Et au premier jour de la convention républicaine, lundi, l'équipe Biden a annoncé le ralliement de plus d'une vingtaine d'ex-élus républicains du Congrès. «Ces (responsables) républicains déçus sont emblématiques des nombreux ex-électeurs républicains concentrés dans les zones résidentielles prospères, affichant un niveau élevé d'éducation et qui ont déserté le parti sous l'ère Trump», souligne Kyle Kondik, analyste politique de l'université de Virginie. Mais le suspense reste entier. «Je ne sais pas si ces soutiens vont motiver d'au-tres électeurs à déserter le camp Trump.»