Le rachat des entreprises ne peut se faire par des salariés «infortunés». Plusieurs spécialistes - syndicalistes, chefs d'entreprise, experts, consultants ou banquiers...- ont débattu hier du processus des privatisations, lequel, il faut le reconnaître, est complètement en panne. Réunis autour du thème du «rachat des entreprises par les salariés (RES)» au Forum d'El Moudjahid, les acteurs de cette table ronde ont fait, deux heures durant, le tour de la question. Le manque de moyens financiers constitue l'épine dorsale d'une telle action et beaucoup d'intervenants ont souligné justement cet obstacle que les salariés ne peuvent surmonter à eux seuls. Les banques, quoique disponibles à accompagner ce genre d'opérations, ne trouvent pas assez de garanties auprès des postulants. Faut-il rappeler que 30% du coût de l'entreprise concernée doit être versé cash et le reste suivant un soutien bancaire qui doit s'appuyer sur une garantie palpable (hypothèque). Un participant a affirmé que parfois «le m² à bâtir pour construire une nouvelle usine sur les lieux mêmes, revient moins cher que le m² de l'usine vendue et souvent délabrée». Un autre faisait remarquer que le potentiel acheteur étranger, essentiellement européen, préfère de loin «délocaliser» son entreprise et devenir encore plus performant en écoulant son produit localement et même exporter grâce son know how. Dans une intervention remarquée, le président de l'Association nationale des sociétés salariées, Aggoun Tahar, a indiqué cependant que 1800 entreprises ont été créées par 27.000 repreneurs salariés depuis le début du RES. Il soutiendra que 50% des entreprises salariées depuis 1997 ont réussi. Il citera le cas d'une société qui a débuté avec 100 actionnaires et qui emploie aujourd'hui près de 400 personnes ou encore d'autres entreprises qui ont doublé leur effectif. S'il a estimé que le bilan de cette formule de rachat est positif, il a regretté l'insuffisance d'aide de l'Etat aux salariés «nouveaux managers». En effet il leur manque par exemple «un guide de la gestion d'entreprise» en l'absence d'une formation dans ce domaine. Un autre intervenant a considéré que les 1200 entrepreneurs nationaux installés à l'étranger, qui brassent un chiffre d'affaires de 75 milliards de dollars, doivent être encouragés à venir investir en Algérie. Aucune mesure financière d'accompagnement réelle n'est hélas prévue pour le RES de ces PME alors que l'Ugta joue un jeu clair qui exige la préservation des acquis, de l'emploi et de l'activité. Il a été indiqué par ailleurs que le foncier, principal problème, n'est pas encore régularisé pour nombre d'entreprises à privatiser. Selon le représentant de l'Ugta, la privatisation «n'a réussi dans aucun pays, socialement parlant» ajoutant que si le salaire n'est pas un élément social, il reste un critère économique d'importance.