Avec ses plus de 10 millions d'élèves et près de 500 000 enseignants, l'institution éducative nationale est, de loin, la plus fournie en matière de ressource humaine. Empêcher cette population de se rassembler quotidiennement en groupes de plusieurs milliers d'individus à travers les 48 wilayas serait de nature à casser la contamination par le coronavirus. La fermeture des établissements scolaires des trois cycles de l'enseignement pourrait, effectivement constituer une solution efficace. En effet, en brisant les contacts physiques à une échelle aussi importante, le fléchissement de la courbe épidémique passe pour une certitude. Les arguments en faveur d'une pareille thèse peuvent être recevables au premier abord. Il s'agit de sauver des vies humaines, maintenir à flot le système national de santé et donner une chance à la société d'éviter les scénarios-catastrophes que vivent de nombreux pays, pourtant bien mieux lotis en matière d'infrastructures sanitaires que l'Algérie. Mettre entre parenthèses l'année scolaire 2020-2021 permettrait au système de santé d'éviter l'implosion, à l'Algérie de comptabiliser moins de contamination et tout autant de décès du Covid-19 et, partant, afficher un niveau de gestion tout à fait acceptable, en tout cas, supérieur à tous les pays du pourtour de la Méditerranée occidentale. Cette option, que certains n'hésitent pas à qualifier de «tentation» dangereuse, a tout de même des failles et celles-ci apparaîtront une fois sortis de la crise sanitaire. À supposer que l'on ait trouvé le vaccin dans le courant de l'année où que la pandémie se résorbe naturellement, l'Etat sera confronté à l'obligation de réaliser dans un temps record des dizaines de milliers de classes du cycle primaire. Il faut savoir, en effet, que le contingent d'élèves scolarisés augmente de quelque 3% annuellement. Toute cette «petite armée» de bambins aura besoin de places pédagogiques et une ration d'aliment. Pour répondre à pareille demande, il est clair que les communes, qui ont statutairement la charge de la gestion des écoles primaires, ne pourront jamais assurer. D'ailleurs, pour réaliser les programmes inscrits dans les plans de développement, beaucoup d'APC éprouvent d'énormes difficultés. Cela pour l'infrastructure qu'il sera impossible de garantir en si peu de temps. Et si les nouvelles écoles ne viennent pas soutenir celles qui existent déjà, le problème de surcharge des classes ne se résorbera pas sur plusieurs générations. Une année blanche, c'est aussi d'autres problèmes de prise en charge de la dizaine de millions d'élèves dont une partie court le risque d'un décrochage scolaire, aux conséquences sociales terribles. Et dire que ce scénario passe pour être le meilleur, à savoir que pour une raison ou une autre, la pandémie cesse et les choses rentrent dans l'ordre dans les 6 prochains mois. Dans le cas d'une persistance de la maladie, ce qui est très possible, personne n'ose imaginer les conséquences d'une déscolarisation généralisée. C'est certainement pour cela que les propositions évoquent des «paquets» de 15 jours, histoire de voir l'évolution de la situation épidémique. En tout état de cause, la solution de fermer les écoles n'est, pour l'heure, pas envisageable, bien qu'une recrudescence dangereuse des contaminations rendrait cette option incontournable en cas de confinement total, comme il a été préconisé dans de nombreux pays du pourtour méditerranéen. L'autre option serait d'éviter par n'importe quel moyen l'année blanche. Aux procédures de distanciation physique, déjà en vigueur au sein des écoles et lycées, l'Education nationale peut renforcer le contrôle. Détecter, pister et isoler comme cela s'est fait ailleurs, pour être appliqué à l'échelle de l'enseignement. Cela nécessite beaucoup de personnel et une organisation complexe et onéreuse. L'Etat peut mettre la main à la poche, en plus d'exclure les établissements scolaires d'un éventuel confinement. Là aussi l'effort à faire sera plus que colossal, sans garantie de résultat en bout de chaîne. C'est dire que l'option de sauver l'année scolaire coûtera très cher, peut-être trop cher, et n'apportera aucune certitude par rapport à la progression de la contamination et donc de la surcharge des structures sanitaires du pays. Il faut dire que quelle que soit la voie empruntée par le Comité scientifique chargé de suivre l'évolution de la pandémie en accord avec les autorités centrales du pays, il y aura une lourde facture à payer. Les variables d'ajustement dans cette histoire de pandémie sont tellement nombreuses qu'il est humainement impossible, présentement, de prédire quoi que ce soit.