Le «volontarisme» US tranche, en effet, avec une frilosité toute française qui fait perdre un temps précieux à Paris. Au lendemain de la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blasy, Ahmed Bédjaoui est attendu aujourd'hui à Washington pour une visite officielle de deux jours aux Etats-Unis. Il est évident que la proximité dans le temps entre ces deux activités ministérielles est à relever, d'autant que la mission du ministre français, jugée peu fructueuse, met son pays en situation de perte de vitesse dans la région, face à une Amérique de plus en plus encline à nouer des relations stratégiques avec l'Algérie, pays pivot au Maghreb et véritable puissance régionale à même de permettre une stabilité réelle en Afrique. Le continent noir est actuellement un terrain fertile pour le terrorisme international et le crime organisé. L'intérêt des Américains est certes prioritairement sécuritaire, mais il demeure qu'un tel objectif ne peut être atteint qu'à la condition de mettre à la disposition de l'Algérie les moyens de garantir sa propre stabilité sociale et économique. Et c'est sur ce terrain que les Etats-Unis peuvent supplanter la France qui, avec le report de la signature du traité d'amitié algéro-français risque d'y «laisser des plumes» en matière de plus-value économique, et de voir son influence sur le Maghreb et une bonne partie de l'Afrique se réduire davantage. Le «volontarisme» US tranche, en effet, avec une frilosité toute française qui fait perdre un temps précieux à Paris. Et pour cause, alors que les Américains semblent jouer franc jeu avec l'Algérie, tant sur le plan des relations bilatérales que sur les dossiers internationaux sensibles les Français sont encore à vouloir amener l'Algérie à s'engager dans un processus au seul bénéfice des intérêts de l'Hexagone. Le refus de voir l'histoire commune en face et solder les comptes de la période coloniale, témoigne d'une démarche «partiale» et manquant de la sincérité obligatoire à ce niveau des relations entre deux pays. Force est de constater que depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis «s'engouffrent» dans la brèche ouverte par la France et multiplient les initiatives pour occuper le terrain laissé en friche par une France assez peu solidaire de l'Algérie durant les années 90. Et pour preuve, les relations algéro-américaines, de l'aveu même du Medef international, connaissent une embellie historique dans les domaines économique, militaire, sécuritaire et politique. Une dynamique nouvelle qui a débouché sur une augmentation remarquable des échanges commerciaux, passés de 8,5 milliards de dollars en 2004 à plus de 11 milliards en 2005. Cela sans compter une diversification des investissements américains en Algérie. De fait, le point culminant de l'approfondissement des échanges économiques et politiques ayant été atteint, Alger et Washington en sont à coopérer de manière exemplaire sur la question de la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et autres fléaux sociaux. Bien avant «l'incident» de la loi française du 23 février 2005, le département d'Etat US relevait, dans son rapport 2004, le rôle de «leader régional actif et agressif dans la lutte globale contre le terrorisme» de l'Algérie. Cela suppose un soutien effectif apporté à l'Algérie dans de multiples domaines. Alger, consciente de l'importance d'un rapprochement stratégique avec les Etats-Unis a déployé sa politique étrangère en direction de ce pays. Puisque, après la visite d'Etat effectuée en France, en avril 2001, le président de la République s'est rendu à Washington en juillet de la même année. L'on comprend donc que la visite de Ahmed Bédjaoui relève d'une démarche adoptée par l'Algérie bien avant qu'on évoque le traité d'amitié algéro-français. Dans son message de félicitations, au président Bush, à l'occasion de sa réélection, en novembre 2004, le président Bouteflika avait appelé à «continuer à oeuvrer au resserrement et à l'approfondissement des relations algéro-américaines, des relations qui ont connu, au cours de ces dernières années, un développement satisfaisant fondé sur une meilleure connaissance mutuelle et sur une confiance réciproque de plus en plus affirmée». Une déclaration d'ailleurs bien perçue par les Américains qui ont développé une approche privilégiant la concertation avec Alger sur nombre de questions. La visite à Alger, le 12 février dernier du secrétaire d'Etat américain à la Défense, Donald Rumsfeld, est significative de l'intérêt US. «Nous cherchons à renforcer notre relation militaire et notre coopération en matière de contre-terrorisme», affirmait Rumsfeld. Et d'ajouter: «Nous apprécions beaucoup la coopération que nous recevons en matière de contre-terrorisme car c'est très important pour les deux pays». Ainsi, loin «d'agiter l'épouvantail» américain, l'Algérie semble décidée à ne pas se laisser «embarquer» dans une aventure française sans lendemain. En tout cas, le séjour américain de Bédjaoui donnera sans doute matière à méditer aux responsables français qui voient leur échapper une occasion historique de maintenir leur influence traditionnelle au Maghreb.