Abdou avait une vision élitiste pendant que Ben Badis s'adressait à la société. Le Conseil supérieur de langue arabe a organisé hier une conférence sous le thème «La nahdha chez Ben Badis et Abdou». Il a invité deux philosophes de renom pour débattre le sujet qui a drainé beaucoup de connaisseurs du mouvement «réformiste»; un Hollandais, Christan Van Nispen, et un Algérien, Amar Talbi . Sauf que les deux professeurs ont présenté séparément et Abdou et Ben Badis alors que le thème devait s'orienter vers les destins croisés des deux penseurs. Van Nispen s'est exprimé en arabe qu'il maîtrisait pour avoir vécu en Egypte près de 40 ans où il a consacré sa vie à l'étude du mouvement «réformiste». Il a passé en revue le parcours de Mohamed Abdou depuis le début. Abdou est considéré comme le véritable initiateur de ce mouvement qui s'est répandu dans le monde musulman au milieu du siècle dernier. Depuis sa rencontre avec Djamel Eddine Al Afghani, il a compris qu'il avait une responsabilité «envers sa umma». Comme il a compris qu'Al Afghani avait une vision politique. Il s'est donc choisi la voie de la réflexion et de la pensée. Il lui donna le ton de «réformisme culturel». Il s'est également éloigné des thèses du Libanais Rachid Rédha qui s'était rapproché en fin de parcours du wahabisme. Abdou a été exilé au Liban puis il est revenu en Egypte - son pays d'origine - où il a enseigné à El Azahr. Il a visité l'Algérie en 1930. Il a rencontré ceux qui deviendront les précurseurs du réformisme au Maghreb. Il est connu surtout pour sa modestie et son esprit critique. Son discours s'adressait à l'élite, contrairement à Ben Badis qui voulait toucher les couches sociales. Ben Badis est passé par Zitouna (Tunisie) puis s'est rendu au Caire porteur d'une lettre à Abdou. Il était âgé de 16 ans. A son retour, il a enseigné, avant de devenir journaliste. Il créa ses propres journaux et sa propre imprimerie. Mais il avait une vision différente des ses prédécesseurs. Il voulait introduire des changements profonds dans la société. Il s'opposa aux zaouias et créa par la suite les écoles libres mixtes où il enseignait avec ses compagnons les sciences et la religion. Il créa l'association des Ulémas en 1931 et consacra son temps à l'enseignement et à l'écriture. Il laissa des traces indélébiles sur l'histoire de l'Algérie contemporaine. Ben Badis avait résumé les dimensions nationales qui mériteraient d'être relues à l'orée des contradictions qui nous interpellent aujourd'hui. Selon Arezki Ferad, «Ben Badis avait résolu la question identitaire en son temps». Mais Ferad est peu écouté dans son propre parti, le FFS.