M. Brahim Saihi est un ancien acteur du mouvement d'Avril 1980. Actuellement enseignant à l'université Mouloud-Mammeri, département d'architecture, il est docteur es lettres et sciences humaines de La Sorbonne, titulaire du doctorat de troisième cycle de l'Ehss de Paris, titulaire de deux thèses et est l'auteur également d'une quarantaine de publications diverses publiées aussi bien en Algérie qu'en Europe. Il a de même dirigé de 1993 à 1997 le département de langue et de culture amazighes, chercheur en sociologie il est associé au Centre national de recherche en anthropologie d'Oran. L'Expression: M.Saihi, peut-on faire une comparaison entre avril 1980 et aujourd'hui? M.Saihi: On dit, et à bon escient, que comparaison n'est pas raison ! En 1980, la situation dans laquelle avait eu lieu l'explosion était une situation d'impasse. Il y avait un déni identitaire articulé sur une absence de libertés. Alors, les acteurs étaient socialement intégrés et ils avaient en partage un idéal social et étaient ancrés dans la modernité. Au niveau du comité antirépression qui était l'organisation existante avant le MCB, à l'université la pensée était plurielle et les échanges étaient d'une extraordinaire richesse, il y avait également beaucoup de convergences construites sur un socle d'idées. Comme il y a lieu de souligner que l'élément féminin était partie prenante, la femme était fortement impliquée. Et aujourd'hui? Certes il y a des avancées notables aujourd'hui, notamment avec tamazight reconnue comme langue nationale, c'est considérable ! Aujourd'hui, à la seule université de Tizi Ouzou, il y a plus de 1000 étudiants suivant la filière en tamazight, donc et y compris chez les adversaires de cette langue, il y a eu une avancée certaine. Cependant il y a lieu de capitaliser tous ces acquis et servir cette langue et cette culture par un travail de recherche intense et aussi par un travail de formation. Pour ce qui est de l'officialisation, et ceci n'est qu'une réflexion personnelle, elle demeure certes un objectif à atteindre, elle demande un énorme travail de préparation. On peut dire que nous assistons au début d'une autre étape. Ce qui existe est l'oeuvre d'une génération et il faut s'inscrire dans le temps en se tenant loin des surenchères. Comment avez-vous vécu cette 26e commémoration? Il y a énormément de choses attribuées à Avril. D'abord je ne retrouve plus cette pluralité, cette humanité si chères au mouvement originel, ensuite je le dis depuis 2001, je n'épouse pas du tout l'esprit tribal et communautaire. A partir du moment où l'on fait référence à ces deux choses, on nie la modernité et la modernité est l'un des créneaux les plus forts d'avril 1980. Peut-être par dépit l'on a exhumé un état d'esprit et réactualisé un esprit communautaire excluant le débat démocratique, l'individu en tant que tel est exclu. Jamais, dans la philosophie d'Avril 1980 il n'a été question d'un retour à l'esprit archaïque c'était plutôt l'inverse qui était revendiqué: les libertés, toutes les libertés! Ce 20 avril j'ai vécu une remémoration de ce moment fantastique mais ce qui s'était passé ne me semble pas avoir reflété l'esprit d'avril 1980. D'aucuns parlent de recul de l'action militante... Effectivement, et de façon générale, je pense que cela est exact et aussi très alarmant. Les jeunes qui sont ceux-là qui sont en principe les plus intéressés sont dans l'exclusion et dans une stratégie de survie. La pleine citoyenneté est toujours réalisée dans des conditions idoines. Elle est le fait d'individus intégrés socialement. La formidable mobilisation des jeunes s'était faite ces dernières années contre leur exclusion (sociale, économique, culturelle et politique) Il y a eu une forte expression juvénile contre leur mise à l'écart.