Rien ne prédisposait cet Algérien à une aussi lourde peine. L'ancien propriétaire d'une boutique cossue à Montréal a été condamné, mercredi dernier, à 24 ans de prison «pour avoir fait courir un grand risque au bien-être et à la sécurité du peuple américain», a dit le juge fédéral de Manhattan. Mokhtar Houari, âgé de 32 ans, avait été jugé et reconnu coupable en juillet dernier d'avoir aidé un autre Algérien, Ahmed Ressam, qui avait projeté un attentat à l'aéroport de Los Angeles, à la veille des festivités du Millénium. L'arrestation, tout à fait hasardeuse de Ressam, avait mis en émoi les services de police aussi bien américains que canadiens, eu égard au puissant réseau qui faisait le va-et-vient entre les deux pays. Ressam avait été arrêté avec près de 59 kg d'explosifs (un précédent rapport du FBI faisait état de plus d'une centaine de kg de nitroglycérine) le 14 décembre 1999 à Port Angeles dans l'Etat de Washington et avait, par la suite, reconnu qu'il devait faire exploser sa charge lors du passage à l'an 2000. Le tribunal de Los Angeles le reconnaît coupable de neuf accusations toutes liées au terrorisme, dont au moins quatre passibles de très lourdes peines. Mais Ressam trouve «sa» solution: collaborer avec les services spéciaux américains et enfoncer ses anciens «frères». Les autorités américaines ont promis de l'aider et le tribunal chargé de sa condamnation devrait prendre en compte sa collaboration pour prononcer une «peine atténuée» le 14 février prochain. Lorsqu'il se présente devant le juge, mercredi dernier, Houari s'est contenté de déclarer: «Je n'ai rien à dire.» Vêtu de l'uniforme bleu de prisonnier fédéral, il méditait certainement sur le comportement de son ancien ami, venu spécialement à New York pour témoigner contre lui. Ressam avait notamment affirmé que c'était Houari qui lui avait donné, à Montréal, les 3.000 dollars canadiens dont il avait besoin pour acheter des explosifs et se déplacer aux Etats-Unis. Mokhtar Houari, par le biais de son avocat, Dan Ollen, avait toujours déclaré qu'il ignorait totalement les projets de son ami aux Etats-Unis et que l'argent remis était un prêt et rien de plus qu'un prêt. L'avocat a insisté auprès des juges pour dire que la sentence devait être «tempérée» et mesurée avec un «certain degré de compassion», parce que Ressam, principal accusé dans l'affaire, risque de s'en sortir avec une peine plus légère eu égard à sa collaboration avec le FBI. Le troisième homme de «l'échiquier Ressam» est un troisième Algérien, Abdelghani Meskini, également en détention. Ressam affirme que c'est Houari qui devait s'arranger pour lui fournir l'aide financière nécessaire pour faire «aboutir le projet». Hormis ce groupe actif, le FBI soupçonne en outre l'existence d'un réseau dormant qui s'est établi entre le Canada et les Etats-Unis, mais dont l'existence reste encore à démontrer. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, des dizaines d'Algériens, à travers l'Europe et l'Amérique du Nord, sont épiés, interpellés, arrêtés, extradés ou emprisonnés. La magie du nouveau Millénium n'aura pas lieu.