La Tunisie a célébré, hier, le 21ème anniversaire du décès du premier président de la République, Habib Bourguiba. Etaient présents au mausolée de Monastir, autour du chef de l'Etat Kaïs Saïed, les membres de la famille du défunt ainsi que plusieurs figures du mouvement bourguibien. Parmi les invités, il y avait cependant le gouverneur de la région, le maire de Monastir Mondher Marzouk et quelques députés. Très critiqué pour avoir occulté la commémoration de la fête de l'indépendance, le 20 mars dernier, Kaïs Saïed n'a pas manqué cette opportunité. Une cérémonie en grande pompe a eu lieu au cours de laquelle il s'est fendu d'un discours qui a transcendé l'événement pour revenir sur le bras de fer actuel entre Carthage et la troïka soutenant Mechichi. Dans son discours, Kaïs Saïed a longuement évoqué la polémique autour de la mise en place d'une Cour constitutionnelle et il a dénoncé des «manoeuvres» en vue de contourner la loi fondamentale du 3 décembre 2015, non sans affirmer qu'il usera de son droit de veto pour barrer la route aux artisans de cette «dérive». Depuis qu'un blocage est apparu, avec le refus du chef du gouvernement, Hichem Mechichi, de retirer de la liste les quatre ministres récusés par le chef de l'Etat et de démissionner, comme il l'y a invité, faute de quoi il n'y aura pas de dialogue national pour sortir de la crise, la situation ne cesse de s'envenimer. A tel point que la troïka constituée par Ennahdha, al Karama et Qalb Tounes, au sein de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), agite la revendication de nouvelles élections pour contrecarrer la stratégie du président tunisien. «Vous savez ce qui se trame au sein du Parlement et des institutions de l'Etat, de manière générale, a clamé Kaïs Saïed devant son auditoire présent à Monastir. (...) Il y a des interprétations qu'on peut discuter, mais il y a des textes de loi qu'on ne peut dépasser, encore moins lorsqu'il s'agit de servir les intérêts d'une personne ou d'une partie bien déterminée. Les Tribunaux sont installés sur la base de la loi, et non sur la base des règlements de comptes.» Objet de son courroux, les amendements constitutionnels intervenus au Parlement ont été élaborés «sur mesure» afin de permettre certains «règlements de compte».«Ils se sont réveillés, après cinq ans de sommeil profond, d'hypocrisie, pour régler des comptes et parce qu'ils se sont sentis menacés, mais ils ne m'entraîneront pas, avec eux, pour violer la constitution», a-t-il ajouté, non sans rappeler que les délais constitutionnels n'ont pas été respectés. Et pour bien souligner la nature et la trame du bras de fer, Kaïs Saïed a assuré qu'il est «un musulman, parce que le véritable musulman ne diffame pas, n'insulte pas et suit le droit chemin». Et d'inviter «ceux qui prônent la liberté (à) accepter la différence et les critiques et (à ne) pas répondre avec les insultes et les injures». Point culminant de son discours, la mise en garde contre une volonté de bloquer les rouages de l'Etat, en visant les services publics, l'enseignement, la santé, et les transports. «Ils n'y parviendront pas, bien que le complot soit bien réel. Nous allons y faire face et permettre une vie décente aux citoyens tunisiens», a conclu le chef de l'Etat dans une sortie qui cible, clairement, les mouvements islamistes au sein de l'ARP, à savoir Ennahdha et al Karama.