On a l'impression que cette discipline jouit d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics. La Fédération algérienne de tennis est depuis dimanche dirigée par un directoire dont les membres ont été désignés par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Ce qui était subodoré a fini par se concrétiser et la FAT se retrouve plongée dans une crise dont elle se serait bien passée. Il y a bien un paradoxe dans la décision que vient de prendre le MJS dans la mesure où lorsqu'on sanctionne une fédération c'est plutôt pour les mauvais résultats sportifs enregistrés sur le terrain. Nous ne dirons pas que le tennis algérien était sur un nuage mais du moins en matière de résultats sportifs il n'était pas ridicule. Il est même certain qu'ils dépassent ceux de plusieurs autres sports pour lesquels le MJS s'est montré moins regardant. Notamment en matière de gestion puisque c'est ce qu'il semble reprocher à la FAT à propos de laquelle il indique que sa décision d'installer un directoire à la place du bureau fédéral est motivée «par l'expertise du rapport de la gestion financière de la FAT pour l'exercice 2004 et par le rapport d'expertise du comité d'experts du tennis », des rapports qui selon lui «font ressortir de graves négligences, dysfonctionnements et infractions dans la gestion financière et administrative de la FAT». On rappellera que le MJS avait installé le 26 mars dernier un comité d'«experts» chargé «d'établir un diagnostic de l'état du tennis algérie». L'installation d'une telle structure avait de quoi étonner car on ne s'inquiète d'une discipline sportive que lorsque tout va mal en son sein, surtout lorsque les résultats des équipes nationales sont catastrophiques. Or ce n'était pas du tout le cas du tennis qui, avec ses maigres moyens, réalisait à ce moment-là et jusqu'à maintenant ses meilleurs résultats depuis l'accession du pays à l'indépendance. On avait été d'autant plus interloqué que la décision d'installation de ce comité d'«experts» était intervenue à une période où le président de la FAT, M.Mohamed Bouabdallah, était hospitalisé en France pour y subir une intervention chirurgicale. On remarquera, en outre, que le MJS fait état d'un rapport d'expertise sur l'exercice financier 2004 de la FAT. On est en 2006 et on est en droit de se demander pourquoi un tel retard. Oui pourquoi un tel retard et ne pas avoir sanctionné cette fédération en 2005 par exemple? D'ailleurs, il serait bon, au nom de la transparence, que le MJS dévoile ce rapport et le fasse parvenir à toute la presse. Comme il serait opportun qu'il nous explique sur quel ancrage juridique il s'est basé pour mettre en place un directoire. Le sport est régi par une loi, la 04-10 du mois d'août 2004. Il y est question de mesures que peut prendre le MJS à l'encontre d'une fédération sportive coupable de «faute grave». La faute grave est-elle avérée pour le cas de la FAT? Nul ne le sait puisque le rapport d'expertise n'a pas été dévoilé. L'article 100 de ladite loi fait référence à la «mise en place de procédures de gestion particulières et temporaires en vue d'assurer la continuité des activités de la fédération». Selon le dictionnaire de la langue française, une «procédure» est «un ensemble de règles qu'il faut appliquer strictement, de formalités auxquelles il faut se soumettre, dans une situation déterminée».Ces procédures ne font référence ni à un directoire, ni à un comité de gestion, ni à aucune autre structure. Le même article de loi parle de «suspension temporaire» des membres du bureau fédéral. Le communiqué du MJS sur la sanction à l'encontre de la FAT indique que «ces membres sont suspendus pour une période de quatre ans». C'est bien là un temporaire qui va durer. Et puis il y a ce directoire dont il faudra bien parler. Un directoire qui, comme on l'a vu, n'a aucun ancrage juridique. Ce n'est pas la première fois que le MJS place une telle structure à la tête d'une fédération sportive. Il l'avait déjà fait avec celle du handball pour remplacer un bureau fédéral démissionnaire et avec celle de l'escrime pour sanctionner un bureau fédéral et un président accusés eux aussi «de dysfonctionnements (un terme que l'on affectionne au MJS) dans les affaires de gestion». (Il faut signaler que le président déchu de la fédération d'escrime a saisi le Conseil d'Etat pour qu'il donne son avis sur son cas).Le dictionnaire de la langue française fait découvrir qu'un directoire en droit commercial c'est un organe collégial dont peut se doter une société anonyme. En droit constitutionnel, c'est un organe collégial ayant des fonctions gouvernementales. Cela n'a rien à voir avec le sport, encore moins avec une fédération sportive. Ceci dit, on ne manquera pas de souligner que dans le comité des experts chargé d'établir un diagnostic de l'état du tennis algérien et dans le directoire qui va gérer la FAT, on trouve des gens qui ont été impliqués directement dans la gestion du tennis algérien soit dans le passé, soit actuellement. Si le tennis va si mal, comme le pense le MJS, ils devraient être partie prenante de cet échec. Un échec sportif qui, pourtant, n'a pas droit de cité puisque cette discipline, par le passé, ne savait même pas ce qu'était un second tour de coupe Davis, alors que, sur les deux dernières années, nos tennismen ont, tout de même, éliminé des équipes européennes, même si parmi ces tennismen on trouve «des trentenaires», comme certains l'affirment. Il ne faudrait simplement pas occulter le fait que ce sport se distinguait en mal en nous offrant non pas un champion trentenaire mais un champion d'Algérie de 44 ans qui balayait sur son passage tous les jeunots qui se dressaient devant lui, des jeunots victimes d'un programme de formation défaillant pour ne pas dire absent. A l'époque, on n'avait jamais suspendu le bureau fédéral de la FAT et on n'avait jamais installé de directoire pour la diriger. Comme, bien sûr, on n'avait jamais songé à créer un comité d'experts «pour poser le diagnostic de l'état du tennis algérien» alors que la situation l'exigeait. Il faut croire que le bureau fédéral qui vient d'être «dégommé» par le MJS a commis une faute vraiment trop grave pour qu'il lui soit permis de rester en place. Quoiqu'il en soit on pourra ramener tous les experts que peut compter l'Algérie pour proposer des solutions pour cette discipline ce n'est pas demain qu'un Algérien remportera Rolland Garros ou Wimbledon. Le tennis est devenu une véritable machine financière où de très gros moyens doivent être consentis si on veut former des champions. Le tennis algérien pourra-t-il en bénéficier? Il faudrait, au moins, qu'il soit considéré d'utilité publique et d'intérêt général. Ce que n'est pas la FAT.