« Un regard sur le patrimoine culturel algérien », décliné en 72 photos, offertes généreusement par des fondations helvétiques à notre pays, est à découvrir...... Inaugurée mercredi dernier, sous le patronage de M.le ministre de la Communication et de la Culture, de son Excellence M.l'ambassadeur de Suisse, cette exposition est organisée conjointement par le Centre des arts et de la culture, au Palais des Raïs (Bastion 23) en collaboration avec la fondation suisse pour le patrimoine culturel algérien et la fondation suisse pour la culture Pro-Helvetia, à l'occasion du 9e anniversaire du classement de la Casbah d'Alger sur la liste du patrimoine mondial. Ce sont 72 photographies représentatives de la vie socioculturelle algérienne à l'aube de la période coloniale et provenant de la collection de Henri-Charles Favrod qui ornent actuellement les cimaises du palais des Raïs. Journaliste, ancien directeur du musée de la photographie à Lausanne, M.Favrod est aussi, et surtout connu pour son apport déterminant et son grand engagement pour la paix en Algérie. Cette exposition figure parmi les projets artistiques qui entrent dans le cadre des échanges culturels entre l'Algérie et la Suisse. En plus de l'exposition «Au coeur de l'Algérie» de Michael Von Graffenried qui a déjà été montrée au grand public, un colloque bilatéral «multilinguisme et écriture» sera organisé prochainement, avec les éditions Barzakh à Alger. «Ces photographies sont des témoignages du passé de l'Algérie», déclare son Excellence M.l'ambassadeur qui avoue «aimer beaucoup les anciennes photos» et d'ajouter: «Cette exposition permet de se familiariser avec une histoire qui n'est plus tellement connue, ça invite d'autant plus à la découvrir. Son intérêt réside dans le fait que Jean Geiser respectait énormément les gens qu'il prenait en photo, mais aussi l'environnement, il ne faisait pas des photos exotiques, mais authentiques», affirme-t-il. L'expo qu'abrite cette grande bâtisse, elle-même témoin de notre passé séculaire, est aussi une occasion qui permet aux initiés et aux amateurs de photos de prendre conscience de la richesse et de la diversité de notre patrimoine culturel. Ceci ne concerne pas uniquement la Casbah et ses Ksours éparpillés çà et là mais aussi d'autres régions du territoire algérien comme Constantine, Oran et sa gare de chemin de fer, Alger et sa Place du gouvernement, le boulevard de la République ou le Quai aux vins, El Biar, le Grand Sud algérien et ses palmeraies, le Sahara avec ses caravanes de cavaliers et de bédouins, le M'zab, Boussaâda, Ouargla et Biskra et ses campements de nomades... Sans oublier bien sûr les portraits de ces hommes et femmes mauresques, les «belles Algériennes» notamment, avec leurs costumes, parures et bijoux qui sont décrites, par ailleurs, et analysées dans le livre de Leyla Belkaïd, grande spécialiste de l'art vestimentaire ancien des pays arabes. C'est avec un regard nostalgique que le visiteur pourra admirer ces photos en noir et blanc, et voir notre belle cité, le Vieil Alger et ses allures d'autrefois. Ressentir surtout, ce grand amour que portait Jean Geiser à ces êtres ou ces petites gens en leur volant cette «image», reflet d'un moment presque intime de leur existence et que son objectif a capté pour l'éternité. Des prises de scènes de la vie de tous les jours, d'un humanisme poignant presque palpable. C'est pourquoi, la célébration pour la première fois du classement de la Casbah d'Alger sur la liste du patrimoine mondial n'aurait pas pu se passer de cet hommage rendu à ce grand photographe suisse qu'était Jean Geiser. «Son exposition reflète ici une partie de son travail qui constitue un don de la Suisse pour l'Algérie», souligne le producteur de l' expo Armon Deriaz, photographe de presse, éditeur et ami de Charles-Henri Favrod depuis bientôt 40 ans et de préciser: «Par cette expo, on tient à renouer, sinon à nouer des liens assez importants et culturels avec votre pays». Né en 1848, Jean Geiser fut élevé ici par sa mère, Julie Geiser, originaire de la Chaux-de - Fonds en Suisse. En 1852, elle ouvre à Alger un atelier de photo qui prit véritablement son essor trois ans plus tard lorsqu'elle s'associa à Jean-Baptiste Allay. Et c'est 20 ans après que son fils reprendra le flambeau en «traînant la guêtre» dans son atelier sis au 7 rue Bab Azoun à Alger. Il créera même une succursale à Blida. «La fin du siècle amène le développement de la carte postale et Jean Geiser en devient un des principaux éditeurs, titulaire de nombreuses récompenses aux expositions internationales auxquelles il participe (en 1856, 1878, 1893, 1900, à Paris, à Vienne, à Amsterdam, à Nice... ) Mais à la différence de ses confrères qui sacrifient volontiers à un exotisme vulgaire, il s'applique à révéler la diversité de l'Algérie avec un très grand respect et une exigence de témoignage authentique. Il ne s'en tient pas en effet à la capitale mais voyage dans le pays et même aux confins du Sahara», indique Charles-Henri Favrod, le président de la fondation suisse pour le patrimoine culturel algérien. Décédé le 7 septembre 1923 dans la maison familiale - le cottage Helvetia, à la Colonne Voirol-Jean Geiser est enterré au cimetière de Saint-Eugène. C'est un legs inestimable qu'il nous laisse, témoignage du passé culturel de notre pays et que la Suisse tente jalousement de préserver.