Un fait inédit dans les moeurs gouvernementales et un manquement aux us a été commis par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad. Censé jouer le rôle d'animateur du gouvernement sous l'autorité du président de la République, le Premier ministre s'est octroyé le statut qu'il n'a pas, en rendant public le plan de relance économique sur la page Facebook du Premier ministère, sans en avoir référé à sa hiérarchie constitutionnelle. En effet, outre le support choisi pour cette communication «hors norme», la démarche de Djerad s'est faite en dehors des clous institutionnels. Il est, en effet, de tradition que les services de la primature adressent prioritairement l'objet de leur message à l'attention de l'opinion publique à l'Agence de presse gouvernementale (APS). Laquelle passe pour être le relais principal et officiel des Institutions de la République. À quoi servirait-il donc qu'un document destiné au grand public ne connaisse pas une large diffusion? Il semble que l'objectif du Premier ministère soit tout autre, ou que l'intention était de faire passer en force le document et mettre la présidence de la République devant le fait accompli. Si Djerad avait été nommé par le président de la République sur proposition d'une majorité parlementaire, la démarche n'aurait pas été étonnante. Un chef de gouvernement est, certes, comptable devant le président de la République, mais applique son propre programme inspiré par la majorité idéologique à laquelle il appartient. Mais Abdelaziz Djerad est Premier ministre et sa mission consiste en la mise en oeuvre du programme de Abdelmadjid Tebboune. Aussi, le plan de relance économique n'est pas de son ressort et sa publication est censée obtenir l'aval du premier magistrat du pays, d'autant qu'en l'espèce, le timing joue un grand rôle. À quoi servirait-il de rendre public pareil document dans un contexte de «flottement» institutionnel où les partis, objectivement impliqués dans la formation du nouveau gouvernement, sont en attente des résultats définitifs des législatives du 12 juin dernier? Les futurs animateurs de la majorité présidentielle seront en droit de penser que les «jeux sont faits». Cette démarche n'est-elle pas un «colis piégé» laissé au prochain gouvernement? «Ligoter» ainsi son successeur par un plan de relance économique, c'est fermer la porte au débat au sein de la nouvelle majorité. L'absence de toute communication autour du document du Premier ministère à travers les canaux officiels, APS, radio et télévision publique illustre, si besoin, le fait que les plus hautes autorités du pays se désolidarisent de l'opération com' du Premier ministre, sur le départ. Par ce geste «supplémentaire», Abdelaziz Djerad entendait certainement prendre à témoin l'opinion nationale sur ses intentions futures de jeter les bases d'une économie ouverte, moderne et diversifiée. Sauf que n'étant pas élu, mais désigné par le président de la République, il a une mission précise, celle de réaliser le programme du chef de l'Etat qui, lui, a été élu sur la base de promesses électorales claires. À ce propos, il y a lieu de souligner que les actions relevant directement de l'appréciation du chef de l'Etat ont abouti ou en voie de l'être. Il s'agit, notamment de l'image de la défiscalisation des salaires de moins de 30000 DA, le relèvement du Snmg à 20000 DA et l'ouverture des chantiers dans les zones d'ombre, pour lesquelles un conseiller de la Présidence a été spécifiquement désigné. Mais les autres actions qui relevaient du domaine du gouvernement, en rapport avec énormément de départements ministériels, force est de constater que, sur pas mal de dossiers, la situation a empiré. Des ministres ont ajouté plusieurs couches aux mille feuilles de la bureaucratie ambiante. Les décrets, les lois et les circulaires produits par des fonctionnaires-bureaucrates passaient sans réel débat au Conseil du gouvernement. Les opérateurs économiques, les citoyens et les partenaires de l'Algérie affichaient leur étonnement de voir des décisions et des comportements obscurcir le climat dans le pays. Les exemples ne manquent pas: freins aux exportations, cahiers des charges inapplicables, fortes perturbations du marché, pénuries à répétition... sont autant d'embûches que le Premier ministre n'a pas levées. Il a, à maintes reprises, décrié la bureaucratie et oublié que certains de ses ministres en produisaient à chacune de leurs décisions. Le président de la République lui a accordé une seconde chance en le maintenant lors du dernier remaniement, mais force est de constater qu'il ne s'est pas rattrapé. On retiendra de cette année et demie de gouvernance, une bonne gestion de la pandémie de Covid-19. Mais cette prouesse risque d'être remise en cause par un quasi-échec de la vaccination. Les commandes ne viennent pas au rythme voulu. L'ère Djerad est déjà derrière nous. Dans les toutes prochaines semaines, une majorité présidentielle se dessinera. Le Président désignera une personnalité consensuelle qui s'emploiera à mettre en oeuvre son programme.