Il est tout à fait clair que les lobbies européens sauront forcer la majorité pour élire ou exclure les pays de leur choix. Quatorze pays africains, dont l'Algérie, brigueront, aujourd'hui, des sièges au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, mis en place, en mars dernier, malgré une forte opposition des Etats-Unis sur les cendres de l'ancienne Commission des droits de l'homme, apprend-on de sources diplomatiques crédibles. Selon le journal électronique Africatime, spécialisé dans les forums et actions du continent africain, l'Afrique dispose de 13 sièges au niveau de cette organisation de 47 membres, mise en place par l'Assemblée générale pour remplacer la Commission, qui était perçue comme un refuge pour des pays connus pour leurs violations des droits humains et qui se protégeaient ainsi de toute surveillance. Selon les nouveaux textes, le nouvel organe stipule que les Etats doivent faire preuve d'engagement et promettre de protéger et de promouvoir les droits humains. Tous les pays élus au Conseil seront soumis à un examen périodique de leurs performances en matière de droits de l'homme et seront suspendus s'ils sont pris en défaut. Les quatorze Etats africains qui ont soumis leur candidature pour devenir pays membres du Conseil ont promis de se soumettre à cet examen périodique de leurs antécédents en matière de respect des droits de l'homme. Ils se sont aussi engagés à contribuer au développement de la culture des droits de l'homme et à promouvoir la protection des droits humains par un soutien à leurs organisations nationales s'activant en la matière. Les Etats africains concernés par la procédure d'adhésion sont l'Algérie, le Cameroun, Djibouti, le Gabon, le Ghana, le Kenya, le Mali, Maurice, le Maroc, le Nigeria, le Sénégal, l'Afrique du Sud, la Tunisie et la Zambie. Alors que l'adhésion au niveau de la défunte Commission des droits de l'homme était basée sur une désignation régionale, les pays qui souhaitent être membres du nouvel organe doivent être élus sur une base individuelle par l'ensemble de l'Assemblée générale. Cela n'a cependant pas dissuadé le groupe africain à l'ONU de décider quels pays pourraient se présenter à ces élections. Chaque Etat membre élu a un mandat de trois ans et peut être réélu pour un second et dernier mandat. L'adhésion à ce conseil est répartie entre les diverses régions, les groupes africain et asiatique disposant de 13 sièges chacun. L'Amérique latine et le groupe des Caraïbes ont droit à sept sièges alors que les groupes de l'Europe de l'Ouest et de l'Est ont droit respectivement à sept et six membres. Les pays qui se présentent pour l'Europe de l'Ouest et d'autres Etats sont le Royaume-Uni, le Canada, la France, l'Allemagne, la Grèce, le Portugal, la Suisse, la Finlande et les Pays-Bas. Les Etats-Unis, qui ont critiqué le nouveau Conseil qu'ils accusent de n'avoir pas de critères fixes d'adhésion et d'antécédents, n'ont pas présenté d'acte d'adhésion. Ce nouveau Conseil, qui compte moins de membres, est un des principaux organes de l'Assemblée générale et il se réunira plus régulièrement que la défunte commission des droits de l'homme. Les Etats-Unis, sujets à de grandes controverses dans les pays européens à propos de leurs manquements aux droits de l'homme ne se présenteront pas cette fois-ci, mais pèseront de tout leur poids et de leur influence sur le cours des élections. Largement critiqués par la communauté européenne dans des affaires comme Guantanamo Bay, Abou Ghraïb, Bagram ou encore les vols secrets de la CIA à travers l'Europe, ils ne pèsent cependant pas lourds devant une Europe pointilleuse concernant les violations des droits de l'homme et qui aura certainement le mot de la fin concernant le respect des droits de l'homme par tous. Cependant, le recul de Washington n'est pas lié uniquement à cela, mais à des problèmes autrement plus sérieux, et qui concernent la réforme même de l'ONU. Georges Soros, dans une récente étude publiée aux Etats-Unis, estime que l'ONU se trouve actuellement dans l'impasse: «L'ONU est déchirée par des tensions internes. Aussitôt la controverse sur la création d'un Conseil des droits de l'homme réglée de manière satisfaisante, une nouvelle bataille a éclaté: les Etats-Unis exigent des réformes administratives et menacent de ne plus participer au financement de l'organisation si elles n'interviennent pas très rapidement». L'Algérie qui propose sa candidature, présentera un dossier en dents de scie. Car même si elle avance un cahier de charges pesant, avec les nouveaux textes de loi en matière de respect des procédures judiciaires, les nouvelles réformes qui ont touché aussi bien la justice que les établissements pénitentiaires, les textes de réconciliation nationale, qui ont apaisé les tensions et lissé un tant soit peu les aspérités qui existaient dans les relations conflictuelles pouvoir-islamistes, l'Algérie aura aussi, et là c'est certain, à gérer un lourd contentieux des manquements aux droits de l'homme pour la période 1992 à 2000, et là aussi, le «forcing européen», où dominent les appréciations des ONG spécialisées dans les droits de l'homme, peut être déterminant. Les divergences de vues entre Alger et Londres concernant les extraditions d'Algériens détenus en Grande-Bretagne est un signe très instructif.