A la tête d'une délégation des dirigeants de son parti, Abderrazak Makri, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), s'est présenté, hier, à El Mouradia, afin de prendre part aux consultations élargies que tient le président Abdelmadjid Tebboune pour la formation du prochain gouvernement. Arrivé en troisième position lors des élections législatives du 12 juin dernier avec 65 sièges, le parti islamiste est donc le troisième à être reçu par le chef de l'Etat, après le FLN et les indépendants. «Nous avons été reçus par le président de la République qui nous a fait part de ses orientations et de ses opinions pour la période post-législatives. Nous avons abordé plusieurs sujets, aux plans économique et politique et évoqué des aspects présents et futurs», a déclaré Makri au terme de l'audience, soutenant que cette «longue» rencontre avec le président de la République a été «bénéfique et riche». Il a ajouté «nous avons convenu de rester constamment en contact». À voir ces déclarations, la rencontre entre le MSP et le chef de l'Etat n'a rien révélé de ses secrets puisque le médecin de 61 ans, contrairement à son habitude, a préféré taire les «tractations» qu'il a menées. Mais ces dernières peuvent aisément être devinées à travers les ambitions qu'il avait affichées, explicitement et à maintes fois, au cours de la campagne électorale et au lendemain même du scrutin. Abderrazak Makri, qui a dû présenter sa proposition de formation d'un gouvernement d'union nationale, n'a pas manqué aussi, sans risque de se tromper, d'afficher son ambition de prendre la présidence de l'APN. Mais accaparer un siège aussi important nécessite un sérieux deal, car il s'agit du poste de troisième homme de l'Etat! Etre à la tête de la troisième force parlementaire ne suffit pas pour y accéder et il faudra au MSP montrer patte blanche. Il devra donc rejoindre la majorité présidentielle ou juste afficher, à chaque fois qu'il sera jugé nécessaire, son soutien au programme de Abdelmadjid Tebboune. Ce qui n'est pas hors des cordes de Abderrazak Makri. Ce dernier a toujours su faire le bon calcul politique. L'homme qui a su surfer incontestablement sur le hirak et le rejet du «système», a toujours veillé à faire partie de l'agenda politique. Même lorsqu'il avait refusé de prendre part à l'élection présidentielle de décembre 2019, Makri n'avait pas attendu pour accepter l'offre de dialogue faite par Abdelmadjid Tebboune, affirmant vouloir donner au nouveau président toutes les chances de réussir. Avec le score satisfaisant des législatives, le président du MSP ne va donc pas manquer cette occasion de tirer au maximum profit de cette situation. Certes, il a dù revoir son ambition à la baisse, ne pouvant plus prétendre de plein droit à diriger le gouvernement après que l'urne a démenti la victoire majoritaire qu'il a revendiquée avant même l'annonce des résultats provisoires des législatives, mais cela ne l'empêche pas de continuer à faire une offre de service. Difficilement acceptable car même si le président Tebboune a toute la latitude de proposer son premier ministre, ce dernier devra au moins faire le consensus auprès de toutes les forces politiques composant la majorité présidentielle. Ce qui est loin d'être gagné. En plus, il faut rappeler que la nomination d'un premier ministre en Algérie n'a jamais porté sur un islamiste, même si ce dernier se présente comme un modéré. Restera donc pour Makri, de négocier des portefeuilles ministériels et la présidence de l'APN. Il y a donc de fortes chances de voir le MSP faire à nouveau son entrée dans le gouvernement après une absence de près d'une dizaine d'années. Makri, lui-même, n'a pas écarté l'éventualité, en déclarant que son parti allait étudier la proposition, «évaluer son sérieux et son réalisme et la soumettre au conseil consultatif qui prendra la décision». Si cela se confirme, le MSP sera de fait membre d'un gouvernement d'union nationale. Ses cadres qui seront les futurs minis-tres, auront la charge de mettre en oeuvre le programme du chef de l'Etat. Le parti sera donc amené à défendre ce programme et à le soutenir lors des plénières de l'APN. Un état de fait qui va dégarnir la chambre basse du parlement d'une force d'opposition de poids et la transformera en une simple chambre d'enregistrement. Le président Tebboune, lui, en ralliant le MSP à son programme, va renforcer la crédibilité du processus du fondement de la nouvelle Algérie.