Le docteur Aïche-Kadra exerce au CHU Frantz-Fanon de Blida. Il s'agit, d'un des hôpitaux du pays, qui ale plus subi de pression depuis le début de la pandémie. Dans cet entretien, il nous parle de la situation sanitaire qui prévaut au niveau des services Covid-19 en général et en réanimation en particulier. Il explique les raisons qui font que l'Omicron inquiète, tout en revenant sur la réalité des chiffres. Ce maître-assistant en anesthésie et réanimation plaide pour la généralisation du pass vaccinal et de «l'amende dite de 1000 dinars». Appréciez- plutôt... L'Expression: Bonjour, docteur, comment se présente la situation épidémique au niveau du CHU de Blida? Docteur Aïche-Kadra Sidali: le rebond épidémique se confirme de jour en jour. Au niveau de la wilaya de Blida, depuis presque une semaine, il y a eu une recrudescence de la pandémie. Elle est représentée par une augmentation du nombre de nouveaux cas mais surtout par celle des hospitalisations, ce qui a contraint la direction du CHU de Blida à ouvrir de nouveaux services pour la prise en charge des patients atteints par cette pandémie. Ainsi, le service orthopédie a été transformé en service d'isolement pour les cas de Covid-19. Au niveau du service anesthésie et réanimation? la demande est accrue au niveau de notre service qui draine toute la wilaya de Blida. La pression se fait sentir un peu plus chaque jour. De plus en plus de contaminés, avec cas graves y sont admis. D'après les échanges que j'ai eus avec mes collègues d'autres établissements, c'est la même situation qui prévaut notamment au centre du pays. On a l'impression de revivre le scénario de la 3e vague, avec une accalmie de plusieurs mois qui s'est vite transformée en grande catastrophe. On s'apprête à revenir à la case départ. C'est inquiétant! Quel est le profil des patients admis en REA? Ont-ils été vaccinés? Il n'y a pas de profils bien précis. Certes, il s'agit majoritairement de personnes fragiles présentant des comorbidités, mais on a aussi eu des jeunes, en bonne santé et sans aucune maladie chronique, qui ont dû être mis en soins intensifs. Le varient Delta, qui est le plus répandu actuellement dans le pays, est très virulent. Il est aussi imprévisible. Il ne fait aucune distinction entre les jeunes et les moins jeunes, comme on a pu le constater l'été dernier, lors de la 3e vague. Il est donc primordial que tout le monde reste sur ses gardes. Pour ce qui est de la vaccination, il est clair que les personnes non vaccinées sont plus sujettes à présenter des formes graves de la pandémie. Certes, il y a des personnes complètement vaccinées, avec les deux doses, qui ont été admis en REA. Néanmoins, les personnes qui n'ont pas reçu leurs deux doses de vaccins restent majoritaires. les études ont démontré que le variant Omicron est moins dangereux que Delta. Faut-il le laisser «entrer» dans le pays pour qu'il devienne majoritaire? Effectivement, les dernières études affirment que le risque de présenter une forme grave avec Omicron est trois fois plus faible qu'avec le variant Delta. Les durées d'hospitalisation sont également plus courtes et les patients ont généralement besoin de moins d'oxygène. Ce «mutant» n'est pas moins, pour autant, «inoffensif», car il s'agit d'un variant hautement contagieux. Certains épidémiologues parlent du deuxième virus le plus contagieux au monde, après celui de la rougeole. On parle d'une personne qui peut en contaminer 100, ce qui est deux fois plus que le Delta. C'est ce qui explique l'explosion du nombre de cas en Europe. Certes, l'Omicron provoque moins de complications que le Delta. Néanmoins, il faut savoir que plus on a de contaminations, plus il y aura des cas graves. Plus de personnes finiront à l'hôpital. La pression va augmenter sur les services Covid-19, il y aura logiquement plus de morts. À un moment donné, cela risque de craquer, ce qui peut aller jusqu'à l'effondrement des systèmes de santé. Parlons chiffres. Les statistiques «officielles» des contaminations sont remises en cause par de nombreux spécialistes. Qu'en pensez-vous? Les chiffres fournis par le Comité scientifique de suivi et d'évolution de la pandémie ne sont pas les chiffres des contaminations journalières dans le pays, mais ceux des hospitalisations, ce qui signifie que presque seuls les cas graves sont recensés, car nous ne disposons pas d'autant de moyens de dépistages que les pays occidentaux. Toutefois, il faut savoir qu'avant d'être hospitalisé dans un service Covid-19, le malade est automatiquement dépisté avec un PCR ou un test antigénique, ce qui fait que les chiffres sont représentatifs de la situation au niveau des établissements hospitaliers et des cas qui prêtent plus au moins à inquiétude. Comment peut-on donc éviter de revivre une nouvelle catastrophe sanitaire? Ecoutez, cela fait deux ans que l'on vit avec le virus. Tout le monde connaît les gestes qui sauvent, mais presque personne ne les applique. Pour éviter le pire, il n'y a pas 36 chemins. Il est impératif de revenir aux bonnes vieilles habitudes que sont les gestes barrières. Or, actuellement presque personne ne les respecte. Faites un tour dans un magasin, vous verrez que les gens qui portent le masque sont très rares. L'Etat doit frapper fort, comme au début de la pandémie, en revenant aux contrôles et aux sanctions. L'amende, dite de «1000 dinars», a montré son efficacité. Qu'attendons-nous pour l'appliquer? Dans tous les pays du monde, c'est la solution qui permet de faire respecter les mesures d'hygiène et de distanciation sociale. Les autorités ont aussi une nouvelle «arme» avec le pass vaccinal. Sa mise en place est une très bonne chose, mais il doit être élargi aux autres endroits publics tels que les centres commerciaux ou même les restaurants. Je suis pour qu'il soit obligatoire pour «freiner» la course de l'épidémie mais aussi inciter les citoyens à se faire vacciner. Le vaccin demeure une solution efficace afin de limiter les complications du coronavirus. On a la chance d'en disposer à revendre alors pourquoi tant d'hésitations?