Le président de la République a décidé d'une augmentation salariale, le prix du poulet a dépassé les 700 DA le kilo, la valeur du dinar a dégringolé, le niveau de vie du citoyen est en chute libre, les écoles sont paralysées... Toutes ces informations, mises l'une à côté de l'autre, semblent décousues et n'avoir aucun lien et pourtant! Il s'agit là de thèmes qui devraient interpeller en premier lieu les syndicats et à leur tête la première force syndicale du pays, à savoir l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta). Une organisation qui s'est complètement évaporée et dont la voix a disparu de la scène médiatique. Personne ne parle plus de l'Ugta, car cette dernière est devenue muette. L'organisation qui doit être de tous les combats pour promouvoir l'action syndicale, la défense des intérêts des travailleurs et l'amélioration des conditions de travail, est loin de jouer le rôle de locomotive. La Centrale syndicale n'initie pas de débat et lorsqu'il existe, elle n'y participe que timidement. Contrairement donc à ce qu'il a été dans un passé lointain, le syndicat qui revendique près de 3 millions d'adhérents, est devenu aphone. Lorsque les lois de finances sont rendues publiques, l'Ugta ne communique pas. Elle n'applaudit pas, s'il y a moins d'impôts, comme elle ne dénonce pas s'il y en a plus. Lorsque les pouvoirs publics ont décidé de réviser la règle du 51/49 régissant l'investissement étranger, l'Ugta n'a pas donné son avis. Pourtant, une telle décision aurait dû avoir l'effet d'une révolution économique. Le fait est que ce n'était pas la première fois que la règle, établie par la loi de finances de 2009, était annoncée comme étant arrivée à son terme. Il y a quelques années, cette même Ugta formulait des propositions claires au gouvernement, dont l'exigence du maintien de la loi sur la règle du 51/49. Si l'organisation s'est finalement rendu compte que la règle du 51/49 constituait un obstacle à l'investissement et que sa révision cadrait mieux avec la nouvelle approche économique du pays basée sur une vision «gagnant-gagnant», il aurait été opportun pour les syndicalistes de mener une campagne médiatique pour défendre sa révision. Le secrétaire général de la Centrale syndicale, installé depuis juin 2019, n'a fait que quelques apparitions timides durant les deux dernières années. Il a certes évoqué, il y a une année, la nécessité d'un salaire de 75 000 DA pour pouvoir à un travailleur subvenir à ses besoins mensuels, mais cela n'a pas fait l'objet d'une revendication syndicale, ni d'une négociation avec le gouvernement. C'est le chef de l'état qui a décidé d'annoncer les augmentations des salaires. Abdelmadjid Tebboune a donné des instructions pour la baisse de l'impôt sur le revenu global (IRG) et décidé de la révision du point indiciaire à la hausse avant la fin du mois d'avril. Qu'a fait l'Ugta? La Centrale syndicale a fait non pas dans l'action mais la réaction. Elle a salué les décisions prises par le président, les qualifiant d'«audacieuses et courageuses», estimant que «ces décisions contribueront, certainement, à estomper l'impact de la crise sociale pour améliorer le pouvoir d'achat. En réponse aux revendications des travailleurs, en espérant que lesdites décisions soient favorables au contrôle des prix sur le marché et son organisation en termes d'offre et de demande, ainsi qu'en matière de lutte contre la spéculation qui ne respecte ni les lois de la République ni le citoyen. Et partant, concourir à mettre fin au monopole qui ne sert pas la concurrence loyale profitable à l'économie nationale». Des déclarations qui confirment que l'Ugta est au fait de la réalité sociale, mais au lieu de proposer des solutions, elle les subit. C'est le cas aussi pour le dossier de la retraite. Ce dossier où il est question d'un retour au système de retraite de 32 ans de service, devait être présenté par l'Ugta au gouvernement, lors de la réunion tripartite prévue avant la fin de l'année 2021. Une exigence sur laquelle a insisté la Centrale syndicale. Abordant, en juillet dernier, à Mascara, la révision de la loi sur la retraite de 2017, notamment en ce qui concerne la retraite sans condition d'âge pour les travailleurs ayant travaillé pendant 32 ans, Salim Labatcha, avait affirmé que «la loi portant sur la condition d'atteindre l'âge de 60 ans pour prendre sa retraite est une loi injuste envers les travailleurs». «Plus que ça, quand ce travailleur ajoute quelques années de travail à sa carrière, il est surpris de ne pas bénéficier de ces années en plus des 32 ans de service qu'il a accomplis», avait précisé le même intervenant. En janvier 2022, l'Ugta n'a fait cas ni du retard dans la tenue d'une tripartite ni a commenté le niet du ministre du Travail à l'APN. Youcef Charfa a affirmé, début décembre, en réponse à une question d'un député, qu'il est actuellement «impossible de revenir à la retraite anticipée et à la retraite sans condition d'âge». Une fin de non- recevoir qui ne semble pas outre cela, déranger l'Ugta. La Centrale syndicale a-t-elle perdu son aisance? La question mérite d'être posée, puisqu'un message syndical n'a aucune crédibilité s'il ne parvient pas à influer sur le champ politique.