Coup de grisou sur l'Europe. Suite à la recommandation de la Commission européenne d'accorder à l'Ukraine le statut de candidat à l'Union européenne, Moscou a décidé d'appuyer là où cela fait mal: la vulnérabilité énergétique des Européens, dont 40% du gaz brûlé vient habituellement de Russie. «Notre produit, nos règles. Nous ne jouons pas selon des règles que nous n'avons pas faites», affirme Alexeï Miller, directeur général de Gazprom. Joignant le geste à la parole, la Russie a décidé de couper progressivement mais massivement ses livraisons de gaz à l'Europe occidentale. Après avoir privé certains pays de gaz, dont la Pologne, la Bulgarie et la Finlande, et réduit le débit à l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie, la Russie a décidé de passer à la vitesse supérieure pour d'autres pays. La France et l'Italie en ont fait les frais. Plus aucun mètre cube vers la France. Désormais, l'Italie, qui dépend à 40% de la Russie, ne recevra du géant russe Gazprom que la moitié du gaz demandé, a annoncé, hier, le groupe italien ENI. La compagnie d'électricité tchèque a dit avoir observé une réduction similaire de son approvisionnement en gaz russe. La réduction, via le gazoduc Nord Stream 1, suscite une explosion des prix, notamment pour les industriels allemands et français, dont les usines sont souvent reliées directement aux gazoducs. Hier, le cours de référence du gaz naturel en Europe, le TTF néerlandais, a bondi à près de 130 euros le mégawattheure (MWh), contre environ 100 euros mercredi... et autour de 30 euros, il y a un an. «Oui, nous avons une diminution des approvisionnements vers l'Europe (...) dans un avenir très proche, la demande de gaz naturel liquide (GNL) sur le marché Asie Pacifique va croître. (...) les Européens ont dit que les contrats à long terme ne sont pas nécessaires, donc ils ne sont pas nécessaires... nous avons rempli nos obligations envers vous», a déclaré Alexeï Miller, patron de Gazprom. Les pays européens, les plus dépendants des hydrocarbures russes, tirent la langue. Certes, pour le moment, le gaz ne manque pas pour la plupart des Européens. En période estivale, il n'y a pas besoin de chauffer les bâtiments. Mais cette décision intervient alors que les pays de l'Europe aspirent à profiter de l'été pour faire leurs réserves. Le géant gazier russe justifie sa décision par des problèmes techniques sur le gazoduc Nord Stream 1, qui seraient liés à un équipement du groupe allemand Siemens. Un argument qui laisse «froid» le chef du gouvernement italien qui a accusé Moscou d'utiliser le gaz comme «arme comme ils utilisent les céréales à des fins politiques». «Il ne faut pas se faire d'illusions, nous sommes dans une épreuve de force avec Poutine», a dit Robert Habeck, le ministre allemand de l'Economie et du Climat. Réagissant, le président américain Joe Biden, dont le pays est un fournisseur possible de gaz liquéfié GNL pour l'Europe, a accusé la Russie, hier, d'alimenter avec sa guerre contre l'Ukraine une «crise énergétique mondiale», appelant à mettre sur pied «une «sécurité énergétique fiable et de long terme». Devant cet état de fait, l'Europe cherche tous azimuts des sources de gaz non russes, par gazoduc mais surtout sous forme liquide, avec le gaz naturel liquéfié (GNL).