Une violence qui s'exprime à l'intérieur de la famille, dans l'environnement professionnel, et qui touche aussi les enfants. Depuis quelques jours, une psychologue, Julia Masson, de Médecins du Monde (MDM) est à Alger pour une mission portant sur la violence contre les femmes. En mai dernier Mme Masson et Mme Bruyns, coresponsables de la mission, avaient effectué un travail d'exploration en Algérie à la demande de médecins algériens. En réalité MDM était déjà en contact avec le corps médical national et les associations dans la prise en charge des victimes du terrorisme et des catastrophes naturelles -séisme ,inondation Bab El Oued- ainsi que dans la formation du personnel soignant. Des stages ont ainsi été organisés en France, et selon la revue Actualité de l'ONG «un riche dialogue s'est instauré». C'est donc tout naturellement de ces échanges qu'est née l'initiative de travailler ensemble pour résoudre les difficiles questions de la violence contre les femmes. Une violence qui s'exprime à l'intérieur de la famille, dans l'environnement professionnel, et qui touche aussi les enfants sexuellement abusés ou jetés à la rue. A la demande des médecins algériens, MDM a dépêché Mmes Masson et Bruyns qui ont défriché le terrain de leur mission dans un premier temps, en ayant plusieurs rencontres avec les associations, les réseaux et les personnes travaillant dans ce domaine. Dans un article dans la revue de l'ONG, Mme Masson témoigne que «durant cette mission exploratoire, nous avons ressenti l'immense besoin de communiquer, de partager les expériences et de dégager les moyens techniques et financiers, de prévenir, d'aider et de guérir lorsque le mal est déjà fait».La tâche est d'autant plus ardue qu'il s'agit de savoir comment faire constater un viol, en atténuer toutes les conséquences, comment obtenir réparation indispensable pour la guérison dans une société qui préfère fermer les yeux et rejeter la faute sur la victime, comment faire évoluer les mentalités vers un meilleur respect de la personne, quels moyens concrets de prévention de la violence. Tels sont les axes de travail que la mission tentera de suivre. La contribution de MDM dans les réponses à ces interrogations s'articule en deux étapes. D'abord une mesure pratique par la mise en place d'une ligne téléphonique gratuite et anonyme. Des initiatives similaires ont déjà été prises par des associations dont SOS femmes en détresse. MDM les aidera à perfectionner ce service, leur offrira un système informatique de collecte des informations et fournira une formation dans l'écoute des victimes de viol. Dans une seconde étape, des ateliers et des colloques seront organisés pour permettre les échanges entre experts algériens et européens. L'organisation est prête, selon la responsable de la mission actuelle, à accompagner les associations et les spécialistes algériens aussi longtemps qu'ils en exprimeront la demande mais cette prise de conscience, qu'a constatée MDM dans les milieux concernés par ce problème, doit être accompagnée d'une évolution générale de la société vers un statut de citoyenne femme à part entière. L'enquête que vient de réaliser l'Insp, Institut national de santé publique, de même que celle que se propose de lancer le ministère de Mme Nouara Djaâfar, sont de précieux outils pour évaluer la situation des femmes. L'enquête de l'Insp révèle déjà que les agresseurs sont peu instruits et que le chômage est un facteur aggravant dans ces agressions. On apprend ainsi que les 4/5e des victimes ont moins de 45 ans, que 2/3 sont mariées ou l'ont été et que 31% ont fait des études secondaires ou supérieures. Selon la même source citée par MDM, dans 50% des cas ,le domicile est le lieu de l'agression sauf pour les agressions sexuelles. Ces dernières sont sous- déclarées, seulement 1/10e des violences déclarées. Difficile pour l'instant de cerner l'ampleur du phénomène car comme le constate Mme Masson «la violence a 100 visages».