En janvier 2020, Pedro Sanchez Perez Castejon avait été reconduit au pouvoir de justesse, par les députés d'une gauche aussi majoritaire que consensuelle, après des mois de paralysie politique. Le chef du parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) engagera quelques mois plus tard un surprenant virage qui l'a vu adopter les thèses farfelues du Makhzen jusqu'à devenir l'avocat du royaume alaouite auprès de la Commission européenne et du Parlement de Strasbourg. C'est ainsi qu'il se dressera contre une résolution des députés européens dénonçant les atteintes à la liberté de la presse et des droits de l'homme au Maroc et refusera d'appliquer les jugements de la Cour de justice européenne (CJUE) relatifs à l'illégalité des accords entre l'UE et Rabat sur les produits provenant du Sahara occidental. Ultime concession, il ferme les yeux sur le chantage marocain aux migrants dont les enclaves autonomes espagnoles de Ceuta et Melilla sont devenues les otages et où des scènes d'horreur ont défrayé la chronique au point d'alerter de nombreuses ONG internationales lors du massacre de dizaines de migrants subsahariens, soudanais pour la plupart. Le Makhzen a trouvé en Pedro Sanchez un commis dévoué et il compte bien en obtenir davantage puisqu'il exerce la présidence tournante du Conseil européen en ce deuxième semestre 2023, Rabat étant dos au mur sur divers sujets depuis les scandales de Pegasus et de la corruption qui gangrène le Parlement de Strasbourg. Mais ce ne sera pas une tâche facile car le contentieux judiciaire sur les accords d'agriculture et de pêche, invalidés par la CJUE courent tout droit vers une nouvelle confirmation de leur nullité. La crise du printemps 2021 entre Madrid et Rabat avait eu pour conséquence le limogeage en juillet de la ministre espagnole des AE Arancha Gonzalez Laya, qui a fait les frais d'une vague migratoire déclenchée par le Makhzen poussant 10 000 personnes dans l'enclave de Ceuta. Son successeur José Manuel Albares, un proche de Pedro Sanchez, a eu pour mission de «rétablir la confiance» avec le Makhzen, ce dont il s'est acquitté avec un zèle remarquable et des concessions «historiques» dont les conséquences pour l'économie espagnole ne sont pas encore soupesées à leur juste valeur malgré des difficultés déjà contraignantes. Le 18 mars 2022, une lettre datée du 14 mars était découverte dans laquelle Albares reconnaissait formellement la proposition farfelue du royaume marocain sur une prétendue «autonomie» du Sahara occidental et dont il a considéré qu'elle serait la base objective d'une solution du conflit entre le royaume marocain et le Front Polisario. C'était là faire injure aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et à celles de la 4ème commission des Nations unies qui estiment que le Sahara occidental est un territoire en attente de décolonisation, que l'Espagne y est tenue par les obligations d'ancienne puissance occupante et que le peuple sahraoui a pleinement droit à un référendum d'autodétermination, toutes choses déjà consenties par le royaume du Maroc en 1991 lors de la signature de l'accord de cessez-le-feu conclu sous l'égide de l'ONU. En faisant mine d'ignorer tous ces tenants et aboutissants, Pedro Sanchez s'est fourvoyé au point que son sort est déjà scellé, sept mois avant les élections législatives de décembre 2023 dont devrait profiter le Parti populaire (droite) de Alberto Nunez Feijoo qui a d'ores et déjà conscience de l'enjeu.