On dit que gouverner c'est prévoir, mais l'Etat régalien oublie ses classiques. Dans la communication gouvernementale comme dans l'activité des différents ministres, il y a certains signes qui montrent que les affaires du pays sont bien prises en main, et d'autres signes, au contraire, indiquent que c'est loin d'être le cas. Prenons deux exemples: l'aménagement du territoire et le prix de la pomme de terre. Le premier point revient sur l'un des aspects qui fondent la spécificité de l'Algérie: le gros de la population du pays est agglutiné sur la bande étroite du littoral, au bord de la Méditerranée, alors que des étendues du territoire, notamment au niveau de la steppe et des Hauts-Plateaux, sont restées quasi désertes, sans compter que l'essentiel des infrastructures de base sont également implantées à l'extrême-nord du pays: routes, autoroutes, ports, aéroports universités, centres de santé, moyens de communications et de télécommunications... Le plan qui a été présenté récemment par les ministres des Travaux publics et de l'Aménagement du territoire et qui va jusqu'à l'horizon 2025, en prévoyant un maillage du pays en autoroutes et en réseau routier, laisse entrevoir des possibilités d'occupation du territoire différentes de celle qu'on a connue jusqu'ici, offrant aux générations futures plus d'espace et un éventail plus vaste d'activités. Par ailleurs, l'autoroute Est-Ouest, elle-même, se verra flanquée d'une bande de 100 kilomètres réservés aux activités industrielles, commerciales, artisanales ou touristiques. Certes, on a connu, par le passé, de beaux projets censés s'étaler sur plusieurs décennies qui sont laissés en rade du fait du changement de gouvernement, voire même du départ d'un simple ministre. Il est donc à souhaiter que cela ne soit pas le cas cette fois, d'autant plus que dans la même veine, le gouvernement a endossé, récemment, le projet de création d'une agence de planification et de prospective. Reste à savoir quelles sont ses prérogatives, par quels cadres elle sera animée, et surtout si son activité sera inscrite dans la durée, dans la mesure où jisqu'à ce jour, les partis politiques, notamment ceux qui sont dans la coalition gouvernementale, n'ont pas montré une réelle disponibilité à être des forces de proposition et de réflexion, fournissant l'Exécutif en projets, en concepts et en prospective. Ce qui fait qu'au lieu d'être des laboratoires d'idées, ces partis ne sont que des excroissances du pouvoir, juste bons à tenir l'applaudimètre et à participer au partage de la rente. Le deuxième point, a trait à la pomme de terre. Il est aberrant que dans un grand pays comme l'Algérie, grand par l'étendue de son territoire, son importance démographique et ses potentialités financières, la pomme de terre fasse toujours l'objet de pénuries alors que son prix joue au yoyo, un jour à la portée des petites bourses, un autre devenant une denrée de luxe, le plat de frites narguant le caviar ou le foie gras. Puisqu'il est question de planification, de prévision et de prospective, tout montre qu'en ce qui concerne la pomme de terre, produit de première nécessité s'il en est, l'Etat a abandonné son rôle de régulateur. Même si le prix des fruits et légumes est laissé au gré de l'offre et de la demande, la pomme de terre devrait avoir, de la part des pouvoirs publics, un traitement de faveur. Car il est aisé de voir que les spéculateurs, pour maintenir les prix au zénith, sont prêts à réduire les espaces d'ensemencement de la pomme de terre. Certains produits de base, comme les céréales et le lait, sont réglementés par l'Etat, car ils sont considérés comme stratégiques. N'importe quel citoyen lambda pourra vous affirmer que la pomme de terre doit être classée dans ce cas, et dans les pays qui se respectent, l'Exécutif s'inquiète des pénuries qui touchent la pomme de terre. Sauf chez nous.