Le président ukrainien Volodymyr Zelensky répondait hier soir aux journalistes à l'issue d'une année marquée par l'espoir déçu d'une grande contre-offensive, suivi de l'effritement du soutien occidental et de la pression accrue de la Russie sur le front. La semaine dernière, le dirigeant ukrainien a effectué une tournée diplomatique pour convaincre les Etats-Unis et l'Europe de continuer à envoyer armements et financements à l'Ukraine, qui combat l'invasion russe depuis bientôt deux ans. Mais une majorité du Congrès américain, divisé sur une rallonge de 61 milliards de dollars, ne l'a pas entendu, tandis que le Premier ministre hongrois Viktor Orban a mis son veto à une nouvelle enveloppe d'aide de l'UE. Les alliés de l'Ukraine ont beau marteler qu'ils ne la laisseront pas tomber, ces signaux sont inquiétants, surtout après l'échec de la contre-offensive ukrainienne lancée à l'été. L'opération, très attendue, n'a pas permis l'avancée espérée et l'Ukraine a désormais cruellement besoin de munitions pour tenir ses lignes. La Russie, en confiance, repasse à l'attaque au sud comme à l'est. C'est dans ce contexte difficile que Volodymyr Zelensky répondait aux questions de journalistes ukrainiens et étrangers hier soir, à un horaire tenu secret. Vladimir Poutine s'est prêté au même exercice jeudi dans une position bien plus favorable. Revigoré par les craintes de Kiev et les hésitations des Occidentaux, le président russe a promis à ses concitoyens une victoire face à l'Occident. Le maître du Kremlin, dont la réélection en mars est une formalité, a vanté les succès des troupes, qui «améliorent leurs positions» sur presque toute la ligne de front. Face à l'armée ukrainienne, les forces de Moscou grignotent beaucoup de terrain. La ville d'Avdiïvka, principal point chaud à l'Est, est la cible d'attaques continues. L'armée russe accroît aussi la pression sur Koupiansk, plus au nord. La Russie mène également des attaques aériennes nocturnes quotidiennes, mettant à rude épreuve la défense antiaérienne ukrainienne. En novembre, celle-ci a bien réussi à prendre des positions sur la rive occupée du fleuve Dniepr, mais elle n'a pu transformer cette poussée en véritable percée. Volodymyr Zelensky, confronté à un mécontentement croissant, subit aussi la résurgence de tensions politiques. Des sondages récents montrent que 62% des Ukrainiens lui font confiance, contre 84% il y a un an. Preuve des divisions politiques, des Ukrainiens réclamant davantage d'argent pour l'effort de guerre ont récemment manifesté à Kiev. L'Ukraine a reconnu hier que l'armée russe était en «supériorité» en termes d'armes et d'effectifs autour de Koupiansk, y jugeant la situation «compliquée». Cette ville avait été occupée dès février 2022. En septembre de la même année, la ville et sa région de Kharkiv ont été reprises au terme d'une offensive ukrainienne surprise. Les combats restent depuis féroces et les forces russes, confortées par l'échec de la contre-offensive estivale de l'Ukraine, sont à l'assaut depuis l'été autour de Koupiansk.»La situation est compliquée», a jugé hier Oleksandre Syrsky, commandant de l'armée de terre ukrainienne.»Nous devons nous battre alors que l'ennemi est en supériorité, tant au niveau de l'armement que des effectifs», a-t-il expliqué sur Telegram. L'Ukraine réclame à ses alliés davantage d'armes et de munitions, mais le soutien occidental montre des signes de ralentissement en raison de tensions internes aux Etats-Unis et au sein de l'Union européenne. De son côté, le ministère russe de la Défense a affirmé que ses soldats accentuaient leur pression autour de la ville de Bakhmout, prise par Moscou au prix d'une bataille sanglante à l'été. Après 22 mois d'une guerre coûteuse en hommes, l'armée ukrainienne peine à trouver des nouvelles recrues pour aller au front.»La société d'aujourd'hui a probablement été abusée par certains médias, affirmant que tout va bien (pour l'armée ukrainienne), que nous battons l'ennemi et que la victoire aura lieu dans un avenir proche», regrette le major Syrsky.»Mais la situation actuelle n'est pas si simple. L'ennemi est vraiment très fort, très puissant. Et nous faisons tout pour le retenir et le battre», ajoute-t-il. Koupiansk, Bakhmout, Avdiïvka, Marinka...: disposant de plus de ressources humaines et de munitions, l'armée russe progresse lentement et sûrement face à une armée ukrainienne épuisée par deux années éprouvantes, dans la chaleur des étés, la boue, la neige des hivers et les bombardements constants sur les tranchées.