Du baroque, en passant par des compositions des plus contemporaines comme le jazz, les huit musiciens issus de la formation Tempo Di Cello ont subjugué le public avec une riche palette sonore à vous couper le souffle Mercredi soir, au théâtre national Mahieddine Bachtarzi, le public, pas très nombreux hélas, s'est en effet régalé. Les huit musiciens professionnels issus de la formation Tempo Di Cello ont servi à l'assistance un programme de musique universelle de qualité allant du baroque aux nouvelles tendances musicales occidentales d'aujourd'hui comme le jazz, flirtant allègrement, pour cela, avec «la stéréophonie naturelle des huit violoncelles disposés en éventail sur scène». De cet instrument d'une étendue harmonique exceptionnelle, les huit musiciens ont su exprimer des sentiments en faisant jaillir des structures «texturales» incroyables, épatantes. Au départ, ce sont huit chaises vides et quatre pupitres sur lesquels vont être posées les partitions. Des chaises qui ne vont pas tarder à être occupées par huit talentueux musiciens tous de noir vêtus. Comme préambule à cette soirée, le groupe ouvrira le bal par deux délicieux et pathétiques morceaux de l'illustre Johann Sebastian Bach: Préludes et Fugues. Ces oeuvres de musique religieuse sont d'une haute portée spirituelle et nous incitent à la mélancolie tant les mélodies qui se dégagent de ces quatre cordes de l'instrument glissent comme des larmes sur le coeur. Un moment poignant d'émotion qui invite aussi au recueillement, drainé par la magie du langage harmonique de ces oeuvres. Le second morceau interprété est celui de Michel Corrette. Dans un style baroque, Concerto le Phenix est décliné sur trois mouvements (adagio, allegretto, adagio). En effet, le tempo est d'emblée énergique, souple et l'archet donne du lest au morceau exécuté puis s'adoucit avant de repartir de plus belle. Et c'est Bachianas Brasilenas N°1 (1938), une pièce enjouée, jouée idem en trois temps, du compositeur Heitor Villa-Lobos qui acheva cette première partie, en présence de Hinda Halem, une élève du conservatoire d'Alger, qui rejoindra l'ensemble des musiciens en fin de mouvement. Del Matiz al Color (de la matière jusqu'à la couleur) de Martin Matalon est une oeuvre qui a été écrite pour l'octuor de violoncelles dans le cadre des 7es rencontres de violoncelle de Beauvais (France), la région où ils résident depuis 1994. Né en 1958, Martin Matalon est lauréat de plusieurs prix notamment grâce à son opéra Le Miracle secret en 1999. Il est aussi directeur artistique de l'ensemble Music Mobile à New York où il l'a fondé. Sa pièce qu'on a eu le plaisir d'écouter est forte de mélodies violentes et impétueuses, émises par les différents positionnements de l'archet. Les violoncellistes osent dans ce cas de nouvelles voies d'exécution, interviennent sur de nouveaux accords et inventent de nouveaux modes de jeu et de sons. C'est que le violoncelle n'a pas livré tous ses secrets! L'autre curiosité de la soirée nous vient, également, de Luciano Berio avec son Korot qui veut dire «Poutre» en hébreu. Créé par l'octuor le 11 mai 1998 lors des 6es Rencontres d'ensemble de violoncelle de Beauvais, ce morceau illustre à merveille le désir perpétuel de la formation d'élargir son répertoire et son éventail musical en créant toujours de nouvelles compositions, histoire d'apporter un souffle nouveau à cet instrument en visitant de nouveaux «paysages» et «collines» harmoniques; les sons acérés, suraigus qui émanent de ces cordes, créent une ambiance de tension, de suspense à laquelle s'ajoutent le son de ces frappes données avec énormément de rigueur et de précision sur le bois du violoncelle, le tout formé de «figures» qui communiquent entre elles, soutenues par des «poutres» harmoniques. La surprise de la soirée, et elle fut de taille, est indiscutablement Suite a tempo de Jean-Charles Capon. L'humour mais aussi la créativité sont effectivement au rendez-vous. De la fraîcheur aussi et on se surprend à entendre le bruit d'une mouette qui passe... dont on ignore d'où il a surgi. Dans une ultime mise à nu, les violoncelles se lâchent pour libérer leur «trop-plein» de sons en s'exprimant intensément. Un changement radical de registre. C'est une écriture plutôt «jazzy de la vie et de l'émotion» qui se fait entendre, maniée sur les quatre octaves praticables de la tessiture du violoncelle. Dans une parfaite maîtrise de ce dernier, les huit musiciens font naître des trames et des couleurs sonores jusque-là insoupçonnées. Ici, on pense à un «Tabla», là, à une basse... Du carrément inimaginable, époustouflant et pourtant vrai! Standing ovation. Ce fut une soirée mémorable. Beauté et volupté n'ont jamais été aussi présentes. En organisant de tels concerts en collaboration avec le Centre culturel français d'Alger, «les mercredis de la musique» du TNA s'annoncent prometteurs.