Qu'il s'agisse d'infractions contre l'Etat, les personnes ou les biens, le code pénal demeure le principal référent juridique déterminant le degré de gravité des comportements antisociaux (contraventions, délits ou crimes) et leur prévoyant des sanctions. Il arrive toutefois que certaines infractions, du fait de leur caractère spécifique et/ou de l'étendu de leur propagation, fassent l'objet d'une loi particulière; ce fut ainsi le cas en Algérie pour la corruption (loi 06-01 du 20 février 2006), la spéculation illicite (loi 21-15 du 28 décembre 2021) et, dernièrement, le faux et usage de faux désormais sanctionnés par la loi 24-02 du 26 février 2024. Ayant pour principale vocation de s'appliquer à la falsification des documents et actes, à la fausse monnaie et à la contrefaçon des sceaux de l'Etat, au faux témoignage et à l'usurpation de fonctions (art. 2), la nouvelle loi algérienne de lutte contre le faux vise en priorité, aux termes de son article premier, la moralisation de la vie publique, l'élimination de toutes les formes d'escroquerie et la consécration des principes de transparence et d'égalité devant la loi. S'il en est ainsi de la vocation louable du nouveau texte législatif, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'efficience de son apport juridique dans le domaine de la lutte contre le faux? L'instauration de mesures préventives Tandis que la rédaction pénale se caractérise par son style concis avec des articles se limitant à déterminer les infractions et à leur prévoir des sanctions, la loi du 26 février 2024 précède le volet répressif par une série de dispositions préventives. Parmi ces mesures énumérées par le chapitre 2 du texte de loi, figure l'obligation pour les institutions publiques et privées de sécuriser les documents et les actes qu'elles délivrent en fixant des spécifications techniques rendant difficile leur falsification (art. 4). Aussi, les services de l'Etat chargés du contrôle sont sommés de coopérer entre eux et avec l'administration, directement ou par voie électronique, afin de vérifier en temps réel l'authenticité des documents (art. 5), au moment même où les administrations doivent s'assurer de la véracité des documents qui leur sont soumis, notamment par l'exploitation des bases de données auprès de l'autorité d'émission (art. 9). Enfin, il est requis des administrations de ne plus exiger la présentation d'actes et de documents sous format papier lorsque ceux-ci peuvent être obtenus par le biais de leurs applications électroniques (art. 8). De nouvelles dispositions procédurales Concernant la compétence territoriale tout d'abord, l'article 12 de la loi 24-02 dispose qu'il est du ressort des juridictions algériennes - tout comme pour les actes liés au terrorisme ou à la cybercriminalité - de juger les infractions de faux commises au préjudice de l'Algérie (institutions et/ou citoyens) même en dehors du territoire national. Aussi et dans l'esprit de la loi 09-04 du 5 août 2009 relative à la prévention et à la lutte contre les infractions liées aux technologies de l'information et de la communication, l'article 16 de la nouvelle loi contre le faux autorise les autorités judiciaires compétentes à ordonner d'office ou sur demande d'un officier de police judiciaire la perquisition électronique d'un système informatique. De même qu'elle impose aux fournisseurs de services de prêter leur assistance aux autorités en charge de cette perquisition. Le durcissement des sanctions privatives de liberté À l'exception de l'article 32 qui allège la sanction du magistrat ou fonctionnaire auteur d'un faux de la réclusion à perpétuité (art. 214 du code pénal) à la réclusion à temps de 20 à 30 ans, la quasi-totalité des nouvelles sanctions ont été durcies. Il en va ainsi, par exemple, pour le faux en écriture de commerce qui passe de la peine d'emprisonnement de 1 à 5 ans avec amende de 500 à 20.000 DA (art. 219 du code pénal) vers une peine de prison de 5 à dix 10 ans et une amende de 500000 DA à 1 000 000 DA (art. 35). On peut également citer l'usurpation de fonctions autrefois sanctionnée par 3 mois à 2 ans de prison et une amende de 500 à 5 000 DA (art. 243 du code pénal) et dont le coupable encourt désormais une peine d'emprisonnement de 2 à 5 ans et une amende de 200 000 DA à 500000 DA (art. 64). Des peines pécuniaires plus élevées Les peines privatives de liberté prévues pour certaines infractions demeurent certes inchangées; il en va ainsi pour la contrefaçon du sceau de l'Etat pour laquelle la peine reste la réclusion criminelle à perpétuité (art. 205 du code pénal abrogé par les articles 49 et 44 de la loi 24-02) ou l'usage de faux et tentative de faux respectivement sanctionnés par la même peine que l'infraction consommée (art. 221 code pénal; art. 71 et 76 loi 24-02). Cependant, pour la quasi-totalité des cas où les peines de prison n'ont pas été changées, les sanctions pécuniaires ont été revues à la hausse. On peut à cet égard citer l'amende sanctionnant la fausse déclaration devant un officier public dont la valeur autrefois comprise entre 500 et 1 000 DA (art. 217 du code pénal) passe à 100 000 DA à 500 000 DA (art. 33), ou encore le faux témoignage en matière criminelle dont l'auteur encourt désormais une amende 500 000 DA à 1000 000 DA (art. 56) alors que seule la réclusion à temps était prévue par le code pénal (art. 232). Une infraction particulière À la dichotomie classique entre «faux en écriture publique» (altération de documents émis par l'Etat et les institutions publiques) et «faux en écriture privée» (documents sous seing privé, de commerce, de comptabilité, etc.) établie par le chapitre 7 du code pénal consacré aux faux (de l'art. 197 à 253 bis), la loi 24-02 évoque l'infraction particulière de «faux pour l'obtention des subventions et aides publiques et des exonérations» (art. 38). Sans doute motivé par l'ampleur prise par cette infraction ces dernière années, le législateur algérien a dû prévoir une sanction pour le moins dissuasive à l'encontre de ceux qui entendent recevoir de l'Etat des subventions, des aides financières ou matérielles, des logements, des exonérations ou encore des allocations sociales sur la base de fausses déclarations ou l'utilisation d'informations fausses ou incomplètes: l'emprisonnement de 3 à 5 ans et une amende de 300.000 DA à 500000 DA. L'excuse absolutoire et atténuante L'article 52 du code pénal définie l'excuse absolutoire comme étant «des faits limitativement déterminés par la loi qui, tout en laissant subsister l'infraction et la responsabilité, assurent aux délinquants soit l'impunité lorsqu'elles sont absolutoires, soit une modération de la peine lorsqu'elles sont atténuantes.» Autrement dit et aux fins d'encourager les contrevenants à la loi à faire amende honorable, le droit pénal prévoit des cas d'absolution ou d'allègement pour ceux d'entre eux qui se dénoncent et se montrent coopératif dans l'enquête portant sur l'infraction. Pour ce qui est maintenant du faux, le code pénal algérien ne prévoyait l'excuse absolutoire que pour des cas limités de fausse déclaration devant un officier public (art. 217) et les infractions liées à la contrefaçon du sceau de l'Etat (art. 205) et à la fausse monnaie (art. 199), de surcroit pour le contrevenant qui, avant la consommation des crimes et l'entame des poursuites, aura informé les autorités de l'infraction et révélé l'identité des auteurs, ou après les poursuites facilité l'arrestation des coupables (art. 199). La loi du 26 février (art. 75) quant à elle étend l'excuse absolutoire à l'ensemble des infractions liées au faux. Autant qu'elle réserve l'absolution légale à l'auteur du méfait qui «aura, avant toute poursuite, révélé l'infraction aux autorités administratives [...] et/ou permis d'identifier les personnes mises»; la dénonciation et la coopération dans l'enquête n'étant plus des conditions cumulatives, la réalisation de l'une des deux exigences suffit à faire bénéficier le coupable de l'excuse absolutoire. Enfin, et même dans le cas où des poursuites auraient été engagées, la nouvelle loi de lutte contre le faux prévoit l'excuse atténuante, soit la réduction de la peine de moitié pour l'auteur de l'infraction et ses complices qui auraient facilité l'arrestation d'une ou de plusieurs personnes mises en cause et/ou permis d'identifier les personnes y ayant participé. Peut-on espérer que ces nouvelles dispositions de loi vont favoriser la «rédemption» des faussaires? Espérons-le.