Au moment même où la prétendue liberté d'expression polémique, 70 personnes meurent quotidiennement de faim. Le dialogue en lieu et place de choc des civilisations a fait l'objet de plaidoiries hier à Tunis. Ce thème, axe central du 18e Symposium international de la formation politique tunisienne, Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), la nécessaire «construction de la paix», comme l'a si bien défendu l'ancien président de l'Unesco Frédérico Mayor, a constitué l'axe central de la rencontre placée sous le thème: «La dimension civilisationnelle dans les relations internationales du XXIe siècle». Le ton du symposium qui célèbre le 19e anniversaire de l'arrivée de Zine El Abidine Ben Ali au pouvoir est d'emblée donné par une citation du président. Celle-ci stipule qu'«il est erroné de situer les relations entre les différentes composantes de l'humanité dans le cadre d'un conflit entre religions, d'un choc des civilisations. Car l'avenir de l'humanité se construit sur la bipolarité du dialogue et pour le respect du droit à la différence.» Dans un discours lu par le premier vice-président du RCD, Hamed Karoui, le président Ben Ali développe cette approche, soutenant que les Tunisiens sont «attachés (...) à faire du dialogue, de l'entente et du recours à la sagesse, les fondements de l'Etat tunisien. Comme pour souligner les incertitudes qui planent sur l'humanité, le chef de l'Etat tunisien souligne que les défis qu'affrontent nos pays et nos peuples sont nombreux, certains sont connus, d'autres attendus, mais nul n'en connaît encore les dimensions». Et fort de ce constat, le président Ben Ali préconise l'initiation de la «jeune génération aux vertus du dialogue (...) sans chercher à l'assimiler ou à estomper ses spécificités et son authenticité.» Un aspect sur lequel Zine El Abidine insiste fortement, mettant en avant les racines islamiques de la société tunisienne. Mais il soulève par la même occasion le caractère tolérant de ce peuple qui parvient à intégrer la donne de la modernité sans pour autant s'éloigner des principes qui sont les siens. C'est là, en substance, le message du président tunisien à un moment où son pays est au centre d'une «polémique» autour du port du voile. Ainsi, le président Ben Ali affiche clairement l'islamité de son pays, tout en restant un fervent anti-islamiste. «Le courant intégriste, par le biais de la ´´question du voile´´, veut complexer l'Etat tunisien et le mettre sur la défensive en s'aidant de relais médiatiques occidentaux», soutient un observateur de la scène politique tunisienne. Il semble que le symposium du RCD répond aux tenants de la campagne islamiste en plaçant le débat non pas au niveau des «libertés individuelles», puisqu'il pose une problématique autrement plus profonde qui renvoie aux droits fondamentaux de l'humanité. Dans cette réplique, le président du RCD dispose d'un allié de taille en la personne de Frédérico Mayor, ancien directeur général de l'Unesco et actuel président du Haut comité de l'alliance des civilisations auprès des Nations unies. Et pour cause, annonçant d'entrée «l'aide de la Tunisie à l'Unesco», M.Mayor a insisté sur l'importance d'une telle organisation pour la concrétisation du dialogue entre les peuples. Préconisant une «diplomatie préventive au lieu de la guerre préventive», l'ancien président de l'Unesco parle de «construire la paix» par la préservation de la diversité culturelle qui est «la plus grande richesse de l'humanité». Même grand optimiste. Frédérico Mayor n'omet pas d'évoquer la réalité «choquante» de l'humanité en ce XXIe siècle, en annonçant le chiffre effarant de 2 milliards de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. «Nous vivons dans un système basé sur la liberté, mais nous sommes entrain d'oublier l'égalité», souligne M.Mayor qui, en abordant la question des caricatures du Prophète (Qsssl) a su mettre en exergue cet état de fait. En effet, au moment même où la prétendue liberté d'expression faisait polémique, 70 personnes meurent quotidiennement de faim. C'est à ce niveau que le problème du dialogue doit être posé, insistent certains participants au symposium. En d'autres termes, la liberté c'est bien, mais quant l'égalité des chances entre tous les êtres humains vient à manquer... le résultat est aussi affligeant qu'un système totalitaire...