Les missions internationales de stabilisation se heurtent à de sérieux obstacles. Une fois n'est pas coutume, les principaux partenaires internationaux engagés dans la stabilisation et la reconstruction de l'Afghanistan, réunis au siège de l'Otan, ont reconnu ouvertement le sérieux des obstacles à l'accomplissement de leur mission. Le réveil de la guérilla menée par les talibans risque de prolonger la présence des forces militaires pilotées par l'Otan pour longtemps, très longtemps. On pense même à renforcer davantage les 36.000 soldats du contingent déjà sur place. Ainsi, jeudi après-midi au siège de l'Organisation transatlantique, le Haut représentant civil de l'Otan en Afghanistan, Daan Everts, et les représentants de la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua); de l'Union européenne et de la Banque mondiale ont, suite à la recrudescence de la violence dans ce pays, débattu lors d'un conseil informel avec le Conseil de l'Atlantique Nord et les ambassadeurs des pays partenaires dont les troupes servent au sein de la Force internationale d'assistance à la Sécurité (Fias), des moyens de la contenir. Ils ont, en compagnie du porte-parole de l'Otan, invité la presse accréditée auprès de l'Organisation afin de clarifier la situation qui prévaut en Afghanistan. Ouvrant la conférence de presse, M.Daan Everts a montré des signes d'impatience en ciblant la presse internationale: «Ce qui me surprend chez la presse internationale, c'est qu'elle insiste sur l'aspect militaire -les attentats et accrochages violents- alors que nous sommes présents partout sur les plans civil et politique de la reconstruction de ce pays. Cette mission en Afghanistan est historique puisque le monde entier voulait, en 2001, le changement du régime des talibans. C'est une mission noble et nous ne bénéficions pas d'une couverture conséquente des médias.» Affolement du diplomate ou simple saute d'humeur? Et de rappeler tout le travail effectué par la Fias et les partenaires en termes de mise en place des institutions (justice, police, éducation, santé, infrastructure...) Rendez- vous est pris à New Delhi (Inde) le 12 novembre par le groupe politique afin de voir comment accélérer le rythme de la reconstruction du pays. Prenant le relais, le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l'ONU, Chris Alexander, a parlé de «défi que nous nous sommes lancé pour accomplir notre mission». M.Alexander a rappelé que pas moins de 37 pays sont impliqués dans la Fias et 60 pays sont donateurs pour l'Afghanistan. Il a précisé que la violence n'est pas de même intensité partout dans le pays. «C'est vrai que les insurgés du Sud ont repris avec plus d'intensité leurs attaques, plus qu'en 2004 ou 2005, et cela exige une riposte à la hauteur.» C'est le même constat qui est fait pour ce qui concerne la culture du pavot dans les provinces du Sud. Il a cité le nombre de 34 provinces où il n'est pas évident pour les partenaires de travailler normalement. Quant au représentant de la Banque mondiale, M.Alistair McKechny, il a «défendu» son bilan à la façon d'un candidat à une élection: «Aujourd'hui, en Afghanistan, plus de filles vont à l'école; 14.000 villages ont pu élire des conseils municipaux; d'immenses travaux ont été effectués dans le domaine de l'irrigation, de l'électrification, les réseaux routiers sont rétablis. Nous dépensons 11 millions de dollars par mois pour soutenir l'Afghanistan!» et d'ajouter: «A titre d'exemple, la Banque centrale afghane n'avait qu'un téléphone portable en 2002, l'argent liquide était transporté d'un endroit à l'autre...aujourd'hui, nous parlons d'une croissance de 17% par rapport à 2001.» Dans les réponses aux questions des journalistes, les conférenciers ont, tour à tour, reconnu l'éventualité de renforcer en nombre et moyens de combat les troupes présentes; de revoir les méthodes de coordination entre les différents partenaires engagés sur le terrain; de voir comment s'appuyer sur les chefs de tribus sans pour autant gêner le Parlement afghan et de... revoir leur politique de communication avec les médias. Le porte-parole de l'Otan, le Canadien James Appathouraï a résumé au final, et en quelques chiffres, la situation sécuritaire: «519 attaques des talibans en 2006 pour 91% de victimes civiles afghanes; 205 attentats suicide pour 93% de victimes civiles. L'Otan suspend souvent des opérations de riposte pour ne pas mettre en danger les civils...Ce qu'il faut retenir, c'est que les talibans ne vaincront pas. Cela est une certitude.» Ainsi, la messe est dite, sauf une inconnue: le peuple afghan lui-même. Car la victoire sur le régime taliban et la reconstruction du pays lui reviennent en dernier ressort. C'est là que se trouve peut-être le secret de la victoire: l'adhésion du peuple afghan au projet que lui proposent les partenaires.