Le veto de Varsovie a fait échouer les négociations russo-européennes. La rencontre au sommet entre l'Union européenne et la Russie pour le renouvellement du partenariat stratégique tenue, jeudi et vendredi à Helsinki (Finlande), s'est clôturée sur un échec des négociations. La principale cause a été le veto de la Pologne pour une reconduction du partenariat portant essentiellement sur la question énergétique. La Pologne faisant valoir l'embargo russe sur ses viandes et dérivés pour, selon Moscou, des risques phytosanitaires. Ainsi, les calculs des prévisionnistes européens de la stratégie énergétique sont plus que jamais remis en cause devant les imprévisibles Polonais. Car si l'interdiction de l'exportation des viandes polonaises vers la Russie est conjoncturelle, et sera levée dès que les risques sanitaires seront écartés, l'approvisionnement de l'UE en gaz naturel russe, lui, est capital pour soutenir la croissance économique dans l'Union. Une quelconque perturbation (prix, délais et quantités) aura d'énormes conséquences négatives dans l'UE. C'est pourquoi, il faut chercher ailleurs les raisons du veto polonais que dans la suspension provisoire de ses exportations de viandes vers la Russie, en sachant d'ailleurs, qu'elle bénéficiera de compensations financières prévues à cet effet dans le chapitre agricole (PAC). Rappelons l'attitude de la Pologne sur toutes les questions de politique externe de l'Union. De son alignement sur les thèses guerrières de George W.Bush à la veille de l'invasion de l'Irak en 2003, à la mise à disposition de bases militaires à la CIA pour le transfert de prisonniers afghans et irakiens, à son opposition irréversible pour l'adhésion turque à l'UE, la Pologne apparaît comme le troublion de la famille européenne dès qu'il s'agit de questions stratégiques au sein de l'Union. Les analystes expliquent cette attitude par la présence du parti conservateur (allié à l'extrême droite) à différents niveaux du pouvoir dans le pays. Cette situation n'est pas pour servir l'Europe au moment où elle tente de mettre en place une politique commune de l'énergie. L'urgence est de taille. Les derniers rapports de la Commission européenne et du Comité économique et social européen (Cese) sont catégoriques: «La dépendance énergétique de l'Union européenne vis-à-vis de tiers est inévitable à l'heure actuelle...il est désormais évident que cette tendance deviendra problématique si elle se poursuit», affirme le rapport du Cese, présenté au Parlement à la fin septembre 2006. Affinant son étude à partir du livre vert sur l'énergie de la Commission et de celui de l'Agence internationale de l'énergie, pour la période allant jusqu'à 2030, le Cese relève que «la dépendance de l'UE vis-à-vis de fournisseurs externes passera en trente ans de 50% à 70%». Sachant qu'aujourd'hui la Russie fournit les besoins en gaz de l'Union à hauteur de 30% (l'Algérie arrive en deuxième position avant la Norvège, troisième fournisseur de l'Union), on mesure toute la «lucidité» politique de la Pologne lorsqu'il s'agit de renforcer la solidarité européenne sur des questions stratégiques. De son côté, la Russie de Vladimir Poutine ne demande pas mieux que d'affronter dans ses négociations une Europe divisée. Elle saura alors mettre en veilleuse la question tchétchène, les droits de l'homme selon la conception de l'Europe et revendiquer par contre, des coopérations plus poussées dans les domaines de l'innovation technologique, ou encore chercher ailleurs des solidarités énergétiques, comme...avec l'Iran par exemple. L'attitude négative de la Pologne vis-à-vis de la Russie, son alignement sur les thèses américaines, ne fait que donner plus de force de négociation à la Russie. A vouloir se démarquer dans l'Europe, la Pologne tire l'Union européenne vers le bas. Elle en est membre à part entière pourtant.