Dès la chute de Bachar al Assad, il était évident que la région dont est issu son clan allait traverser une période dramatique. Voilà des mois que des affrontements sporadiques ont lieu, à Tartous, Hama et Lattaquié entre les fidèles du régime déchu et les forces de sécurité syriennes issues des groupes rebelles et de Hayat Tahrir al Cham au pouvoir depuis le 8 décembre dernier. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh) évoquait, hier, la mort de 311 civils alaouites - la communauté dont fait partie le clan al-Assad - durant des combats jeudi dans le gouvernorat de Lattaquié, à l'ouest de la Syrie. Selon l'ONG, il s'agit des plus violents affrontements qui ont secoué le bastion où le gouvernement par intérim a dépêché des renforts. L'Osdh rapporte, en outre, de multiples «exécutions», ainsi que «des pillages de maisons et de biens». Le bilan des violences, selon l'Osdh, était, hier, d'un total de 524 morts pour la seule journée de jeudi, dont 93 membres des forces de sécurité et des groupes islamistes alliés ainsi que de 120 combattants alaouites. Ces combats qui deviennent de plus en plus fréquents et meurtriers indiquent combien le défi majeur pour le nouveau régime concerne, désormais, la sécurité du peuple syrien, dans ses diverses composantes. Au moment où Israël ne cache pas sa volonté de demeurer durablement dans la zone tampon du Golan occupé, la flambée de violences de jeudi constitue un signal d'alarme à ne pas mésestimer, surtout que les affrontements sont loin d'avoir pris fin. L'Osdh indique, en effet, que des ratissages continuent pour débusquer les combattants alaouites armés. Les opérations contre «les résidus du régime» déchu, selon l'agence de presse officielle Sana, interviennent alors que le dialogue entrepris par le président par intérim Ahmed al-Chareh est encore loin du consensus national recherché. Les alaouites - environ 9% de la population syrienne majoritairement sunnite - étaient majoritaires dans l'appareil militaire et sécuritaire du pouvoir déchu. De leur côté, les Druzes du Golan se disent tributaires de la «protection» de l'occupation sioniste, alors que les Kurdes ne montrent aucun enthousiasme pour renoncer, à la fois, à la zone autonome obtenue durant les années de guerre civile et aux combattants armés des Forces démocratiques syriennes (FDS) et leur pendant, les Unités de protection du peuple (YPG) que la Turquie qualifie de terroristes. À cette heure, ces groupes armés n'ont toujours pas répondu à l'appel des nouveaux dirigeants du pays qui exhortent à déposer les armes, celles-ci devant relever du monopole de la nouvelle armée syrienne et d'elle seule. Le fait est que «les incidents isolés» dont parlent les autorités qui assurent «poursuivre les responsables» ne sont plus des faits divers, mais relèvent d'un profond malaise qui risque d'embraser la région alaouite où les exactions sont diverses (confiscation de maisons, exécutions sommaires, enlèvements, dit l'Osdh) et de plus en plus nombreuses. C'est le plus grand défi auquel la Syrie est aujourd'hui confrontée.