Depuis jeudi dernier, les combats meurtriers qui se déroulent au nord de la Syrie entre les forces du président syrien, Ahmad al-Chareh, et les combattants alaouites fidèles à l'ex-président Bachar al-Assad ont fait plus de 1000 morts, selon des sources concordantes. Al-Chareh a appelé, hier, à «l'unité nationale» dans le pays, alors que les violences communautaires inédites affectent principalement la région de Lattaquié, Tartous et Hama. Une majorité de civils ont péri à cause des affrontements, mais aussi des exécutions sommaires. «Ce qui se passe dans le pays (...), ce sont des défis qui étaient prévisibles. Nous devons préserver l'unité nationale, la paix civile autant que possible, et, si Dieu le veut, nous serons capables de vivre ensemble dans ce pays autant que possible», a ainsi déclaré, dans un discours dans une mosquée de Damas où il a vécu son enfance, Ahmad al-Chareh, à la tête de la coalition islamiste qui, partie d'Idlib à la frontière turco-syrienne, s'est emparé, en décembre dernier, de plusieurs villes, avant de prendre Damas. Samedi, les nouvelles autorités syriennes ont affirmé leur détermination à «rétablir l'ordre» dans la région ouest de la Syrie où couve le feu d'une insurrection grandissante et où les réactions au millier de morts pourraient en être un puissant déclencheur. Ancien bastion du régime Al-Assad, cette région a, en effet, enregistré la mort de 745 civils en trois jours, selon les révélations de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh), une ONG basée à Londres, mais pourvue d'un vaste réseau d'alertes dans tout le pays. Le fait qu'il s'agit là d'une première vague de violences d'une telle ampleur depuis l'entrée le 8 décembre dernier, de la coalition rebelle islamiste emmenée par le groupe radical sunnite, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), anciennement connu sous le nom d'Al Nosra, branche locale d'Al Qaïda indique que les tensions sont à leur comble. Elles sont même à leur paroxysme à Lattaquié où «745 civils alaouites ont été tués dans les régions de la côte syrienne et des montagnes de Lattaquié par les forces de sécurité et des groupes affiliés», écrivait hier l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh), faisant état d'un nouveau bilan global de 1018 morts, dont 273 membres des forces de sécurité et des combattants fidèles au clan Al-Assad. L'Osdh évoque, entre autres faits, des «exécutions sur des bases confessionnelles ou régionales». Quant à l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), elle a délivré samedi un appel pressant pour faire «cesser immédiatement les hostilités et à épargner les civils». Il semble que les groupes armés qui sont auteurs de certaines exactions comptent des «étrangers» en leur sein. Du côté du ministère de la Défense, on fait état de la fermeture des routes menant «à la région côtière pour contrôler les infractions, prévenir les exactions et rétablir progressivement la stabilité». Des renforts ont été envoyés aux forces de sécurité avec pour tâche de «ramener l'ordre» dans les gouvernorats de Jablé, Tartous et Lattaquié, relevant tous de la région alaouite. Les autorités parlent également de l'arrestation d' «un grand nombre de pillards». L'agence Sana a rapporté la mort d'un membre des forces de sécurité dans une embuscade près de Lattaquié où les établissements scolaires sont fermés, de même qu'à Tartous. Depuis 2011, la Syrie traverse un climat d'insécurité persistant qui constitue le défi majeur pour les nouveaux dirigeants du pays. L'escalade actuelle résulte d'une attaque des combattants pro Assad contre les forces de sécurité dans la ville de Jablé, jeudi soir, entraînant la mobilisation d'importants renforts et des combats de plus en plus violents depuis plusieurs jours. Sur les réseaux sociaux, on trouve de nombreux témoignages sur les exactions dont seraient victimes les civils alaouites et l'Osdh a, pour sa part, diffusé des vidéos montrant de multiples victimes entassées dans une maison en deuil ou l'exécution sommaire de trois combattants alaouites à terre. Ces actes seraient, affirment les dirigeants du pays, le fait de «foules indignées», suite à l'assassinat de membres des forces de police par des pro Assad. Tandis que le président par intérim Ahmad al-Chareh, délivre un discours pour rassurer les minorités, ces affrontements meurtriers montrent que la menace des dérives confessionnelles dans une Syrie profondément meurtrie est loin d'être résorbée.