Rebondissement, hier, dans le procès marathonien de l'ancien président français Nicolas Sarkozy: après dix semaines de débats et avant le réquisitoire très attendu du parquet financier, les avocates mandatées par l'Etat libyen en tant que partie civile, dans l'affaire des fonds attribués à Sarkozy par l'ancien Guide Maamar El Gueddhafi pour sa campagne présidentielle, ont rejeté fermement l'argumentaire du mis en cause qui ressasse toujours «la thèse du complot». «Elle ne tient pas», ont-elles répliqué, quelques heures avant le début des réquisitions contre le principal inculpé et onze autres prévenus concernés par les soupçons de financement libyen et de corruption active ou passive. Contestant fermement les arguments de la défense, elles ont réclamé 10 millions d'euros à titre de dommages et intérêts. L'Etat libyen, a-t-on entendu, a «choisi une posture d'écoute attentive» lors du procès qui a commencé le 6 janvier dernier, tout en agissant pour «obtenir réparation» dans la mesure où il «a subi un préjudice personnel, direct, résultant des infractions». Me Carole Sportes a ainsi souligné que parmi les «sept millions de citoyens» libyens, il y a «une très grande majorité de fonctionnaires» et que, par-delà «le principe de probité qu'il faut défendre à tout prix», les conséquences d'un tel abus ont un effet «direct» sur le «quotidien» des gens. Aussi, «la thèse d'un complot, fomenté par le clan Kadhafi et les caciques du régime à compter de mars 2011» aux fins d'une vengeance après l'intervention internationale en Libye «ne tient pas», malgré les tentatives dilatoires de la défense. «Il y a trop d'éléments concordants venant d'une multiplicité de personnes, trop de détails précis, trop de constance dans le temps dans les déclarations», a argumenté l'avocate avant de dérouler toute une série d'autres informations figurant dans le dossier. L'autre avocate, Marion Serrane, a réclamé une condamnation des autres prévenus au versement de cinq millions d'euros en rapport au préjudice matériel découlant des multiples versements d'argent retracés sur le compte bancaire de l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takiedinne, en 2006. Elle a aussi demandé une somme identique pour le préjudice moral, considérant que «l'impact est bien plus grave que la somme allouée» dès lors qu'il y a eu des atteintes à la probité dont l'impact est particulièrement grave pour la Libye et le peuple libyen. Outre cette affaire, il y a eu également l'examen d'un volet annexe pour lequel l'avocat du fonds souverain libyen (Libyan African Portfolio, LAP) a demandé au tribunal que cinq prévenus soient condamnés au paiement de 12,4 millions d'euros en dommages et intérêts et frais d'avocats. Il s'agit de l'ancien patron du LAP Bechir Saleh, de l'intermédiaire Alexandre Djouhri, de deux hommes d'affaires saoudiens et d'un banquier franco-djiboutien, soupçonnés de détournement d'argent au détriment du LAP. Nicolas Sarkozy qui ne cesse de clamer qu'il est victime d'un complot fomenté par le fils de Maamar El Gueddhadi, Seif El Islam, a fait abstraction des récentes révélations de Seif El Islam sur les émissaires qui l'ont approché pour obtenir un démenti des multiples accusations de corruption qui caractérisent cette affaire, moyennant des interventions en sa faveur auprès de la CPI, entre autres promesse. Compte tenu de la gravité des faits reprochés et de la peine encourue, les observateurs s'interrogent sur l'éventuelle demande du parquet d'un mandat de dépôt, synonyme d'une incarcération immédiate même en cas d'appel, ce qui serait une grande première dans l'histoire de la République française.