Le procès de l'ex-président français Nicolas Sarkozy n'a certes pas révélé tous les secrets, mais après des semaines de débats, de dénonciations et de dénis réciproques, il semble que les «soupçons» de financement libyen de sa campagne présidentielle en 2004 deviennent de plus en plus fondés. Hier, le parquet financier n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, qualifiant le prévenu de «véritable commanditaire» d'un pacte de corruption jugé «indécent», d'autant qu'il a coûté la vie au Guide libyen Maamar El Gueddhafi assassiné dans des conditions abominables lors du soi-disant «printemps arabe» en 2011. Sarkozy se trouve sur les bancs de la justice française avec 11 co-prévenus pour entendre, pendant trois jours, un réquisitoire aussi bien de la partie civile représentant les intérêts de l'Etat libyen qui réclame un montant total de 27 millions d'euros au titre des dommages et intérêts que du parquet financier qui, lui, agit pour l'application de la loi au nom des intérêts de la nation. Ce soir, on devrait connaître le montant réel des peines réclamées par les uns et les autres, aussi bien pour le principal concerné que pour les 11 autres acolytes, mais il reste que, depuis mardi, les procureurs n'ont pas mâché leur mot et plus particulièrement à l'adresse d'un Sarkozy, plongé dans un silence plein de rage, face à la déferlante des accusations et des commentaires acérés qui les accompagnent. C'est ainsi que le procureur Quentin Dandoy a donné le la des tirades homériques en déclarant que «derrière l'image de l'homme public (Nicolas Sarkozy, ndlr), se dessine, au gré des enquêtes judiciaires, la silhouette d'un homme porté par une ambition personnelle dévorante, prêt à sacrifier sur l'autel du pouvoir les valeurs essentielles telles que la probité, l'honnêteté et la droiture». Et c'est avec une floraison de piques réfrigérantes et de pointes ironiques mordantes que tous les représentants du parquet ont rivalisé d'ardeur pour clouer au pilori l'auteur d'un «pacte de corruption» qu'ils situent vers la fin 2005, lorsque Sarkozy et ses émissaires faisaient la cour à Maamar El Gueddhafi entre Paris et Tripoli. «On vous dit qu'il n'y a aucun élément matériel démontrant que Nicolas Sarkozy aurait donné une quelconque instruction. Bien évidemment!», tonne le procureur. «Tout est précisément organisé, pensé pour que, jamais, il n'apparaisse.» Balayant les explications «rocambolesques» et «totalement surréalistes» des proches de Sarkozy, il stigmatise la rencontre avec le beau-frère d'El Gueddhafi pour mettre en place «le soutien financier». «On se moque de vous», a crié le représentant du parquet à l'adresse du tribunal en décriant les arguments selon lesquels les émissaires de l'ancien président seraient tombés dans un «piège», un «guet-apens». Un «pacte inconcevable, inouï, indécent» qui aurait «pu vicier le résultat de l'élection présidentielle», a encore asséné un autre procureur du parquet financier. Il semble, à ce jour, que les dix semaines de débats tumultueux de cette sinistre affaire de corruption ont contribué à conforter «l'intime conviction» des magistrats, quant à la pleine et entière responsabilité des douze prévenus.