«Réactivation de l'ensemble des mécanismes de coopération.» C'est le principal résultat de la visite du ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Après plus de deux heures et demie d'entretien avec le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et un échange tout aussi long avec son homologue algérien, Ahmed Attaf, le chef de la diplomatie française s'est félicité de la reprise officielle du dialogue entre Alger et Paris. Saluant la sagesse du président Tebboune, il a repris l'une de ses formules marquantes pour symboliser la fin de la crise: «Le rideau se lève.» Comme l'avaient annoncé les deux chefs d'Etat, cette relance commence par la coopération sécuritaire. «Les contacts entre nos services de renseignement reprennent», a confirmé Barrot, annonçant même une réunion au sommet entre les responsables de la sécurité des deux pays, désormais actée. Le ministre français des AE soutient que les deux pays travailleront sur le Sahel. «Nous aurons un dialogue stratégique sur le Sahel», a-t-il rétorqué. Toutefois, cette reprise ne semble être que la phase visible de l'iceberg. D'après les déclarations du ministre français, les dossiers «sensibles» ont connu des avancées notables. Ainsi, la venue prochaine du garde des Sceaux à Alger a été confirmée. Cette visite marquera la reprise du dialogue judiciaire entre les deux pays. «Nous avons de nombreux enjeux de coopération, notamment en matière de commissions rogatoires, et sur le dossier sensible des biens mal acquis», a-t-il précisé, annonçant une coopération renforcée concernant la restitution des fonds détournés par l'ancienne «oligarchie» ainsi que l'extradition des personnes impliquées. «J'ai évoqué - et le garde des Sceaux le précisera - l'invitation adressée par le Parquet national financier à ses homologues algériens à se rendre à Paris pour examiner tous les dossiers», a-t-il déclaré. La question migratoire a également été abordée. Le dialogue reprendra «sans délai», a assuré le ministre, évoquant les questions de réadmissions et de visas, mais dans «le respect des procédures normales de coopération consulaire». Un cadre légal, comme l'a toujours plaidé l'Algérie et non sur les plateaux de la «haine». Barrot a par ailleurs indiqué que le président Tebboune est favorable à une rencontre entre les consuls algériens en France et les préfets français. «Nous allons l'organiser avec le ministère algérien des Affaires étrangères», a-t-il ajouté, ce qui sonne comme un rappel sur le fait que ce dossier relève pleinement et uniquement de la diplomatie. Barrot rapporte, dans ce sens, qu'il sera question de travailler, ensemble, aux contenus des accords «qui régissent nos relations sur le plan des mobilités, sur le plan migratoire et d'identifier les enrichissements nécessaires pour les rendre plus efficaces». Un travail de coopération, d'échange «d'égal à égal» et non des menaces et des ultimatums. Dans ce climat d'apaisement, le dialogue entre les deux diplomaties reprend également de manière structurée. «Les secrétaires généraux de nos ministères se rencontreront en août prochain», a-t-il annoncé. Sur le plan économique, la France souhaite désormais s'engager dans de véritables «investissements structurants». Barrot a évoqué les difficultés récentes dans les secteurs agroalimentaire, automobile et maritime, mais a affirmé la volonté commune de relancer les projets. «Le président du Medef recevra son homologue du Crea le 19 mai», a-t-il précisé, en annonçant aussi une réunion du Comité mixte économique franco-algérien avant l'été. Enfin, la question mémorielle reste à l'agenda. Les contacts ont déjà repris entre historiens algériens et français. «Je m'en suis personnellement assuré, et le président Tebboune m'a confirmé que Benjamin Stora est invité à Alger pour poursuivre le travail sur les restitutions d'objets culturels», a-t-il indiqué. Ce suivi se fera, a-t-il dit, au plus haut niveau des deux ministères. Une nouvelle phase s'ouvre donc entre Paris et Alger, marquée par un apaisement réel et un respect mutuel. Les annonces de Jean-Noël Barrot en sont la preuve concrète.