La déclaration du ministre français des Affaires étrangères était riche en enseignements. Autant, certainement, que la durée de l'entretien que Jean-Noël Barrot a eu avec le président Tebboune. En deux heures et demie, les deux hommes ont fait le tour de la crise et évoqué l'ensemble des questions de l'heure. L'enthousiasme du ministre français n'a d'égal que le résultat de son déplacement algérois, une semaine à peine après la communication téléphonique entre les présidents Tebboune et Macron. Le terrain était donc déjà déminé et il restait à acter une réconciliation que les personnes de bonne volonté à Alger et à Paris appelaient de leurs voeux. Le ministre français, dont la nomination coïncidait avec le début de la tension entre les deux pays, n'a pas manqué, dans sa déclaration, de faire une allusion directe à la «période de tension inédite qui ne sert ni les intérêts des Algériens ni ceux des Français». Cette reconnaissance de l'inutilité de cette crise vaut un désaveu à l'encontre de ceux qui ont soufflé sur les braises. Jean-Noël Barrot s'est contenté de faire le bilan des dégâts, mais il est entendu que, contrairement à toutes les précédentes brouilles entre Alger et Paris, celle que «nous avons vécue ces derniers mois», comme l'a rappelé le ministre, l'extrême droite s'est exprimée de l'intérieur même de l'exécutif français. Les deux pays ont su mesurer le danger qui guette une relation, pour le moins, spéciale. «Nos relations institutionnelles doivent être à la hauteur des relations humaines entre nos deux pays», a affirmé, à juste titre, Jean-Noël Barrot. Il semble que, du côté français, la crise avec l'Algérie a fait prendre conscience quant à la densité des liens et leur caractère unique et précieux. «Nous avons, certes, des divergences, nous ne pouvons les occulter, mais les liens humains, historiques et culturels qui nous unissent - je pense en particulier aux nombreuses familles franco-algériennes dont la vie se partage de part et d'autre de la Méditerranée - doivent nous conduire à reprendre le dialogue et à réinstaurer la coopération entre nos deux pays.» Ainsi, au-delà de la politique, il y a dans le propos du ministre une dimension insoupçonnée dont on découvre l'importance au regard de ce que la France a failli perdre à cause de l'algérophobie de l'extrême droite. Jean-Noël Barrot dit être «venu à Alger pour porter un message du président de la République (française)». Ledit message dit ceci: «La France souhaite tourner la page des tensions actuelles pour reconstruire un partenariat d'égal à égal, serein et apaisé avec l'Algérie.» Cette nouvelle séquence algéro-française se doit de tirer les leçons de la précédente qui a vu les nostalgiques de l'Algérie française déverser leur venin sur les bi-nationaux et, par extension, sur la République française. Parmi ces leçons, la franchise est la seule voie qui débarrassera les relations entre les deux pays des fritures de la mauvaise foi. «Avec le président Tebboune et le ministre Attaf, nous avons mis sur la table avec franchise l'ensemble des sujets qui nous ont préoccupés ces derniers mois», a affirmé le chef de la diplomatie française. Dans ce propos dont on n'ose douter de la sincérité après la grave crise qui a ébranlé l'oeuvre des présidents Tebboune et Macron, on retient une réelle volonté commune «de retrouver la dynamique et l'ambition fixées par les deux chefs d'Etat dans la Déclaration d'Alger de 2022». C'est cette Déclaration qui a conduit à la création de la Commission mixte d'historiens algériens et français. Les deux parties reprendront le dialogue «avec sérieux, discrétion et efficacité, en réactivant dès aujourd'hui l'ensemble des mécanismes de coopération dans tous les secteurs». Et le ministre français d'affirmer avec assurance: «Nous revenons à la normale et pour reprendre les mots du président Tebboune: ''Le rideau se lève''.» La réconciliation est-elle scellée? La réponse, a priori, est positive. Elle l'est d'autant plus que dans le dossier Sansal, Barrot dit appeler de ses voeux, «comme l'a fait le président de la République Emmanuel Macron auprès du président Tebboune, un geste d'humanité au regard de son âge et de son état de santé». La requête, ainsi formulée, contredit les accents belliqueux de l'extrême droite. Elle fait partie de cette «volonté partagée de lever le rideau, d'entrer dans une relation d'égal à égal entre la France et l'Algérie (...) C'est l'objectif de ma présence aujourd'hui». Le train algéro-français repart-il? Espérons-le.